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Pourquoi l'hégémonie des fonds euros en assurance vie est remise en cause

Dans un contexte de taux négatifs, Generali entend inciter les épargnants à se tourner vers des produits plus risqués quitte à en finir avec le sacro-saint profil 100% fonds euros massivement privilégié par les Français. Il s’agit aussi et surtout de préserver sa propre rentabilité.

L’assurance-vie est, avec le Livret A, le placement préféré des Français. Rien que l’an passé, 39,5 milliards d’euros ont été collectés, un record historique. Pourtant, dans un contexte de taux d’intérêt de plus en plus bas, voire négatifs, le taux de rémunération des fonds en euros est passé de 1,8% en 2017 à 1,6% en 2018 et cela devrait être encore plus bas cette année. On est très loin des 3 à 4% de rendement que l’on observait il y a dix ans.

L’assurance-vie permet également d’opter pour des fonds en unités de compte (investis principalement en actions) plus risqués et plus rémunérateurs. Mais cette possibilité est largement délaissée par les épargnants français qui privilégient encore les fonds en euros, très liquides, défiscalisés et à capital garanti. Un choix qui ne se justifie plus au vu du contexte actuel, estime Generali.

Et l’assureur (qui compte 2 millions de contrats en cours) entend un peu forcer le destin. Il souhaite inciter les épargnants et ses clients à se tourner des fonds plus risqués quitte à sacrifier le sacro-saint profil 100% fonds euros. Une petite révolution. Et une révolution risquée compte tenu du conservatisme des épargnants.

Un capital garanti à 80 ou 90%

"Nous croyons plus que jamais à l'assurance-vie mais compte tenu de cette situation sans précédent, il faut revisiter le modèle d'épargne. Le modèle de la sécurité absolue, de la liquidité permanente, de la garantie totale et à tout instant du capital, qui est finalement une réplication du modèle du Livret A, est à bout de souffle. Le monde du fonds euros roi est terminé !", assène Jean-Laurent Granier, son PDG, dans un entretien au journal les Echos.

"Une stratégie patrimoniale, cela se construit avec du conseil et non un produit miracle. Pour tous les flux nouveaux, il faut installer un modèle qui permette de jouer à fond toute la diversification possible des supports éligibles à l'assurance-vie. De ce point de vue, nous donnerons toute sa place à l'eurocroissance", ajoute Hugues Aubry, membre du comité exécutif, en charge du marché de l'épargne et de la gestion de patrimoine.

Eurocroissance désigne un nouveau produit d’assurance-vie: à mi-chemin entre les fonds euros et les unités de compte, qui garantit le capital à hauteur de 80 à 90%.

Changement de paradigme

Proposer un nouveau produit n’a néanmoins rien d’incitatif. Afin de faire évoluer les mentalités, et donc les arbitrages, Generali va baisser "très significativement" le rendement servi par ses fonds euros. "C'est une question de responsabilité et de pédagogie vis-à-vis de nos clients. Les points de repère ont radicalement changé", annonce Hugues Aubry. Sous les 1,5%, les épargnants pourraient en effet commencer à s'interroger.

L’assureur va même aller plus loin en arrêtant la commercialisation de deux de ses fonds euros (France 2 et Euro Innovalia) qui totalisent plusieurs milliards d'euros d'encours. Quant aux nouveaux clients, ils seront obligés de constituer un portefeuille composé au moins à 60% en unités de compte. Encore une fois, une sacrée révolution pour l’épargnant tricolore, dont l'aversion au risque a été bercée depuis des générations par les livrets réglementés.

Dans Idées Placements sur BFM Business (voir vidéo en tête d'article), Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle de l’Epargne souligne que ces annonces visent d’abord à réduire le risque pour les assureurs dont les performances sont plombées par les taux bas et le coût de gestion des fonds euros. "Il y a une menace d’insolvabilité pour les compagnies d’assurance à terme. Les régulateurs indiquent : ‘il vous faut encore plus de capitaux pour faire face justement à ce risque d’insolvabilité'. Le fonds euro est un produit qui coûte de plus en plus cher" aux assureurs.

Le spécialiste affirme donc que l’approche de Generali, d’ailleurs soutenue par Bercy, est la bonne : "Il faut dire à l’épargnant, il faut que vous preniez votre part de risques, il faut aller sur les marchés actions car aujourd’hui le marché de l’obligation n’est plus ce qu’il était et on est dans un nouveau paradigme".

Olivier Chicheportiche