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Pourquoi la loi Sapin 2 inquiète les épargnants

L'inquiétude des épargnants s'est déjà traduite dans les chiffres. En septembre 2016, la collecte nette d'assurance-vie est tombée à zéro.

L'inquiétude des épargnants s'est déjà traduite dans les chiffres. En septembre 2016, la collecte nette d'assurance-vie est tombée à zéro. - Vladimir Simicek-AFP

Une mesure de la loi Sapin 2 prévoit la possibilité de limiter voire bloquer tout retrait sur les contrats en assurance-vie pendant une période de 6 mois. Une mesure qui crée un vent de panique chez les épargnants.

C'est une réelle inquiétude qui s'est emparée des épargnants. "Nous avons reçu des centaines d'appels" explique un conseiller en patrimoine. "Les épargnants paniquent comme jamais, même pendant la crise des dettes souveraines en 2008 nous n’avions pas eu de telles tensions". De gros patrimoines notamment menacent de transférer leurs contrats vers le Luxembourg.

Quelle est la cause de ce vent de panique? C'est une mesure de la loi Sapin, l'article 21bis, qui a mis le feu aux poudres. Cette disposition législative prévoit de renforcer les pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière, qui pourrait notamment limiter, voire bloquer tout retrait sur les contrats en assurance-vie pendant une période de 6 mois. "Cela a été présenté de telle sorte que les clients ont effectivement un peu pris peur et que cela a eu un impact négatif sur les ventes au mois d'octobre" confirme le directeur financier d'Axa.

Cette inquiétude s'est d'ailleurs déjà traduite dans les chiffres. En septembre, la collecte nette d'assurance-vie est tombée à zéro. Ainsi, ce sont 9,6 milliards d'euros qui ont été déposés et autant qui ont été retirés. Du jamais-vu depuis décembre 2013. Une mauvaise performance liée notamment à cette mesure. "Ce n'est pas la seule raison mais c'est vrai que depuis quelques semaines, les compagnies enregistrent des rachats de la part de gros épargnants" analyse un expert.

Les assureurs tentent de... rassurer leurs clients

Dans ce contexte, les assureurs montent au créneau pour tenter de rassurer. Cette mesure, nous ne l’avons pas souhaitée disent-ils mais dans les faits, elle ne change rien. "On a réécrit les choses, qui en pratique existaient déjà" rassure Bernard Spitz, le président de la Fédération française de l’Assurance.

L'ACPR, l'autorité de contrôle prudentielle du secteur, avait en effet la possibilité de prendre de telles mesures de blocage des rachats de l'assurance-vie mais au cas par cas, pour une seule compagnie d'assurance. Il s'agissait jusqu'ici d'une mesure "micro-prudentielle". Le gouvernement se dote cette fois d'une arme plus puissante qui permettrait d'intervenir sur l'ensemble du secteur.

Le but, explique Romain Colas, le député PS qui porte cette mesure, est simplement de pouvoir agir sur tous les foyers en cas d’incendie. "S'inquiéter d’une telle mesure, c'est comme s'inquiéter de la présence d'un extincteur dans un immeuble" tente-t-il de rassurer.

Les associations d'épargnants sont vent debout

Les associations d'épargnants, elles, ne décolèrent pas. Elles dénoncent "une mise sous tutelle de l'assurance-vie" et comptent se battre jusqu'au bout pour tenter de réduire la portée de la mesure. Gérard Bekerman, le patron de l'AFER, a déjà proposé plusieurs compromis. Il a d'abord poussé les députés à instaurer des cas exceptionnels, dérogatoires (décès, naissance...), où aucune restriction ne pourrait s'appliquer. Il a ensuite réclamé, en vain, un montant minimum garanti, de 23.000 euros, qui échapperait à la mesure si elle devait être mise en oeuvre. Le dispositif doit à nouveau être débattu demain, lors du retour de la loi Sapin 2 à l'Assemblée nationale. S'il est adopté, les associations d'épargnants croisent les doigts pour qu'il soit rejeté par le Conseil constitutionnel au nom du droit de la propriété.

Pour l'heure, un professionnel du secteur résume la situation: "Cette mesure vise précisément à éviter tout vent de panique en cas de problème mais la manière dont le gouvernement l'a fait passer, en catimini, commence, au contraire, sérieusement à inquiéter".

Caroline Morisseau