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Pourquoi la récession française est pour l'instant plus violente que celle de ses voisins

L'Insee a dévoilé une première estimation de la croissance au premier trimestre de la France la semaine dernière avec un score sans appel : -5,8%. Davantage que l'Italie (-4,7%) ou même l'Espagne (-5,2%) et bien plus que la moyenne européenne (-3,8%). Comment expliquer un tel écart?

Faut-il y voir un signe du "déclinisme" français? La France devrait connaître une chute vertigineuse de son PIB au premier trimestre 2020 : -5,8% selon les premières estimations de l'Insee. Mais la seconde punition vient des statistiques des pays voisins : Italie (-4,7%), Espagne (-5,2%) et d'une plus large façon, la zone euro (-3,8%). Pourquoi la France fait-elle pour l'instant "pire" que les autres? Quelques éléments de réponse.

La sévérité du confinement

Ceux qui se sont confinés le plus sévèrement, à commencer par la France, l'Italie ou l'Espagne, sont les pays où l'activité s'est le plus arrêtée. L'Allemagne ou les pays scandinaves, mieux préparés sur le plan sanitaire, ont eux déjà commencé à déconfiner et ont mécaniquement sauvé une partie de la croissance.

L'impact du chômage partiel

Pour sauver l'économie française, le gouvernement français n'a pas lésiné sur les moyens avec la mise en place d'un système de chômage partiel particulièrement généreux, "le plus protecteur" d'Europe, dixit l'exécutif. Là où la prise en charge atteint 84% du salaire net (voire 100% pour le smic) en France, l'Allemagne l'a plafonné à 60% du salaire net pour les employés sans enfants, et à 67% pour ceux ayant des enfants. En Espagne, le taux est fixé à 70%. 

Surtout, le système français s'avère beaucoup plus ouvert et compte désormais plus de 11 millions de bénéficiaires contre moins de 4 millions de personnes en Espagne et 5 millions en Italie. Mais ces chiffres sont provisoires et augmentent de jour en jour. En Italie, les demandes (en attente du versement) s'élèvent à près de 8 millions de personnes. De même en Allemagne où en mars et en avril, les demandes pour du chômage partiel concernaient au dernier pointage 10,1 millions de salariés. Or, le chômage partiel, indispensable pour maintenir à flots les entreprises, peut aussi ralentir plus rapidement l'activité et rendre plus lente la reprise. 

L'importance du tourisme

Contrairement aux pays du nord, les pays du sud et la France ont une large part de leur PIB liée à l'activité touristique (7,4%). Le confinement et l'interruption du transport aérien les ont fortement pénalisés et l'industrie du tourisme aura bien du mal à se relancer cet été.

Les difficultés de l'Italie et l'Espagne

"La différence de contraction, c'est le niveau du point d'entrée" juge l'économiste Jean-Marc Daniel sur BFM Business. "L'Espagne et l'Italie étaient déjà dans des situations un peu difficiles". Avant la crise, le premier affichait déjà des taux de chômage autour de 14% tandis que l'Italie sortait d'une année avec une croissance presque nulle (0,2%). En clair, la chute semble être atténuée (au moins dans les chiffres) par la situation déjà complexe des deux pays. 

La centralisation de l'économie

Une des particularités françaises est la centralisation de son économie autour de deux régions: l'Ile-de-France et l'agglomération lyonnaise. "Vous avez à peu près 40% de l'économie française" résume Jean-Marc Daniel. "Quand vous bloquez les transports dans des régions qui sont aussi concentrées, vous avez un effet qui est l'incapacité de déplacement de la main d'œuvre."

Des collectes de données incomplètes

Enfin, et c'est un point crucial, les premières estimations européennes doivent être prises avec des pincettes. D'abord parce qu'il est encore difficile d'établir un panorama fiable de l'activité. Mais aussi parce la méthodologie est incomplète dans certains pays. L'institut de la statistique italien n'a d'ailleurs pas pu donner de chiffres détaillés, soulignant que le confinement avait perturbé la collecte des données.

En outre, la propagation du virus ne s'est pas faite aux mêmes moments dans les différents pays. Et donc les comparaisons ne sont pas toujours pertinentes au premier trimestre. Il faudra certainement attendre le 2e trimestre voire la fin de l'année afin de lisser ces différences et observer quels sont les pays les plus atteints par la crise économique. 

Thomas Leroy