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Finances publiques

Pourquoi le gouvernement préfère reporter l'ajustement des prévisions budgétaires

Le gouvernement a décalé la loi de programmation des finances publiques pour la fin du quinquennat. Elle était supposée être présentée, comme chaque année fin septembre, en même temps que le budget. Mais Matignon préfère se donner un peu de marge.

Reporter au printemps 2020 pour ajuster mais surtout pour se donner un peu plus de visibilité. Le Premier ministre Edouard Philippe, dans un courrier daté du 9 septembre envoyé au rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale Joël Giraud (LREM), et dévoilé par Le Figaro mercredi, vient de décider de décaler de six mois la loi rectificative de programmation des finances publiques (LPFP), qui doit réajuster les prévisions budgétaires jusqu'à la fin du quinquennat. Cette loi devait, en principe et comme chaque année, être présentée à la fin du mois de septembre, en même temps que le projet de budget pour 2020. Dans les faits, cette loi de programmation a pour ambition de réviser les prévisions de déficit jusqu'à la fin du quinquennat, alors que la croissance ralentit. 

Sauf qu'Edouard Philippe veut se donner un peu de marge de manœuvre. Du temps pour pouvoir justement actualiser les données de la LPFP. Un report que notre journaliste Mathieu Jolivet, en charge de la politique économique, décrypte de cette manière: "Ce délai doit permettre au gouvernement d'intégrer de possibles économies, encore floues". Et parmi ces points d'incertitudes, on retrouve "les retraites déjà", relève notre journaliste. "D'ici au printemps prochain, les discussions auront avancé. Durée de cotisation? Report de l'âge légal de départ? Quels que soient les arbitrages, il y aura un impact chiffré, avec sûrement des économies à la clé. Ce qui permettra de corriger plus précisément la trajectoire des finances publiques".

La visibilité pour ligne de conduite

Clairement, si Matignon a décidé de reporter les décisions qui entourent la trajectoire budgétaire c'est bien parce que derrière cet arbitrage plus ajusté, se cache une volonté de préciser les chiffres et les données. Le Premier ministre souhaite également anticiper des décisions géopolitiques dont l'impact économique pour la France pourrait se faire ressentir dès 2020.

"Lorsqu'il explique qu'il faudra en début d'année 2020 mettre à jour l'impact en France des évolutions du contexte international, Edouard Philippe a en tête le Brexit avec cette perspective d'une sortie sans accord le 31 octobre", analyse Mathieu Jolivet. "Matignon aura aussi fini au printemps des négociations en cours avec toutes les collectivités locales, avec, là encore, des économies plus précisément chiffrées. Autant de raisons qui pousse l'exécutif à reporter ses nouvelles prévisions de déficit à l'horizon 2022".

Conduite post "gilets jaunes"

Le problème, c'est que cette fameuse trajectoire budgétaire - qui s'inscrit dans une démarche de gestion pluriannuelle des finances publiques et qui vise l'équilibre budgétaire - se révèle particulièrement attendue. Notamment parce qu'elle intervient à la suite du récent choc de 17 milliards d'euros sur les finances publiques opéré en décembre puis en avril par Emmanuel Macron pour répondre au mouvement des gilets jaunes. Une facture économique liée notamment à la hausse de la prime d’activité allant jusqu’à 90 euros pour les personnes payées au Smic, à la défiscalisation des heures supplémentaires entrées en vigueur en janvier 2019 et aux autres primes exceptionnelles perçues par certains salariés l'hiver dernier.

Pour l'heure et pour toutes ces raisons, la LPFP demeure donc floue. Il faudra s'armer de patience avant d'en connaître les données chiffrées. Seule certitude, le gouvernement mise sur une croissance française à 1,4% pour 2020 au regard des projections macroéconomiques sur lesquelles table la Banque de France. Le ministère des Finances prévoit ainsi que le déficit public s'établira à 2,1% du PIB l'an prochain (contre 3,1% en 2019). Ce qui, sur le papier du moins, devrait répondre aux engagements tricolores pris vis-à-vis de Bruxelles.

Julie COHEN-HEURTON avec Mathieu JOLIVET