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Finances publiques

Prélèvement à la source: ferez-vous partie des gagnants de 2018, l'année blanche?

Certains revenus de 2018 seront "effacés" par l'administration fiscale.

Certains revenus de 2018 seront "effacés" par l'administration fiscale. - Philippe Huguen - AFP

En 2019, l'impôt sur le revenu sera directement prélevé par l'employeur sur le salaire. Mais quid des revenus de 2018?

Après l’avoir reportée d’un an, le gouvernement prépare désormais la mise en œuvre du prélèvement à la source pour le 1er janvier 2019. Conséquence: 2018 sera une "année blanche" pour les contribuables français. Mais que l’on ne s’y trompe pas: il ne s’agit pas d’une année sans impôts. Plutôt une année de transition que le gouvernement espère la plus neutre possible.

Concrètement, les contribuables s’acquitteront en 2018 de l’impôt sur leurs revenus de 2017. Et en 2019, de l’impôt sur leurs revenus de 2019. Les revenus de 2018, eux, "échapperont" donc à l’impôt. Ou du moins, une partie d'entre eux.

Car si le gouvernement a voulu se prémunir contre les effets d’aubaine, l'opération sera intéressante pour de nombreux salariés. Les heures supplémentaires effectuées en 2018 par rapport à 2017, par exemple, ne seront pas taxées. En cas d’augmentation de salaire, la différence ne sera pas imposée. Par exemple, un salarié ayant gagné 35.000 euros en 2017 et 36.000 en 2018 sera imposé en 2019 sur une base de 35.000 euros.

La plupart des primes passeront entre les gouttes

Idem pour les primes, si elles ne sont pas dans le jargon fiscal, "surérogatoires", c’est-à-dire sans aucun lien avec le contrat de travail. Les primes accordées aux commerciaux, par exemple, devraient donc passer entre les gouttes. De quoi motiver doublement ceux dont les revenus dépendent en grande partie de leurs performances commerciales.

Ceux qui en ont la possibilité ont également tout intérêt à travailler le dimanche, si celui-ci est payé double ou triple, car les primes seront "effacées".

Autre exemple possible: un infirmier, désirant augmenter son rythme de vacations. "Celles-ci seront rémunérées selon son contrat ou la convention collective et les rémunérations correspondant à des conditions normales d’exercice de son activité, pourront bénéficier des effets de l’année dite blanche", assure Gaëlle Menu-Lejeune, avocate fiscaliste au sein du cabinet Fidal.

Dispositif spécial pour les indépendants

Seuls les "revenus exceptionnels" seront tout de même imposés. La part imposable des indemnités de rupture de contrat de travail, les sommes perçues au titre de l’intéressement ou la participation, et plusieurs autres exemples que Bercy liste sur son site sont concernés.

Les indépendants, eux aussi, verront leurs impôts de 2018 "effacés". Mais ceux qui seraient tentés de gonfler leurs revenus en 2018 devraient vite être rattrapés par l’administration.

"La loi a prévu de lisser le revenu imposable des indépendants, avec un mécanisme anti-abus pour éviter les effets d’aubaine", rappelle Gaëlle Menu-Lejeune. Ainsi, en cas d'augmentation soudaine d'activité, les revenus de 2018 ne seront pas pris en compte seulement si cette augmentation se poursuit en 2019:

Les salariés ayant en plus le statut d'auto-entrepreneur, eux, bénéficient également des effets de l'année blanche - pour le côté salarié - mais sont soumis au dispositif anti-abus décrit plus haut - pour le côté entrepreneur.

Les crédits d’impôts existants, eux, sont maintenus. Les contribuables pourront toujours déduire les sommes en question l’année suivant la dépense. Les crédits d’impôts liés à la garde d’enfants ou aux services à la personne bénéficieront même d’un dispositif particulier: pour éviter les avances de trésorerie, un acompte de 30% sera versé par l’État en février, et le reste de la somme due en septembre. Le tout calculé en fonction des revenus déclarés pour 2017. En revanche, si vous attendez un enfant en 2018, il vous faudra patienter jusqu'en septembre 2019 pour en bénéficier.

En ce qui concerne les revenus fonciers, desquels les contribuables peuvent déduire le montant de leurs travaux, l’État a également prévu un dispositif particulier. Ce sera donc la moyenne des travaux réalisés en 2018 et 2019 qui sera prise en compte au titre de l'impôt sur les revenus 2019, notamment pour éviter une chute brutale de l’activité des artisans en 2018.

Enfin, les contribuables désireux de s’installer à l’étranger à la fin de l’année seront les grands gagnants de la réforme, puisque leurs revenus de 2018 - hors revenus exceptionnels - ne seront tout simplement pas imposés.

Les dates clés de l'année blanche

>> Printemps 2018: les contribuables déclarent leurs revenus de 2017. L’administration leur communique alors leur taux de prélèvement. Les membres d’un même foyer fiscal peuvent choisir un taux individualisé. Par défaut, le taux sera le même pour les deux conjoints.

>> Été 2018: l’avis d’imposition est envoyé par l’administration.

>> Automne-hiver 2018: le fisc envoie le taux de prélèvement des contribuables à leur employeur. S’ils le désirent, ce taux peut être affiché sur la fiche de paie dès le mois d’octobre, à titre informatif.

>> Janvier 2019: l’impôt sur le revenu est prélevé directement sur le salaire, avec mention sur la fiche de paie.

>> Printemps 2019: les contribuables déclarent leurs revenus de 2018 (sur lesquels ils ne seront pas imposés hors revenus exceptionnels). L’administration leur communique alors leur nouveau taux de prélèvement, applicable dès le mois de septembre.

Yann Duvert avec Emeline Gaube