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Prélèvement à la source: Plumer l’oie sans la faire crier...

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- - DAMIEN MEYER/AFP

Le prélèvement à la source aura bien lieu en janvier 2019 mais plusieurs problèmes pointent à l'horizon.

Plumer l'oie sans la faire crier. Cette formule, définissant une « bonne » politique fiscale, est due à Colbert, le grand argentier de Louis XIV. Elle est cruelle pour le projet de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (le PAS), vu les événements des deux dernières semaines.

Ce projet a en effet nourri une polémique d’autant plus surprenante que son contenu est en décalage par rapport aux enjeux. Les « cris » récents autour du PAS ont en effet largement porté sur l’idée qu’en réduisant les sommes inscrites au bas des fiches de paie des contribuables, on allait créer un sentiment d’appauvrissement préjudiciable à la consommation.

Si on est en droit d’être surpris, c’est qu’inversement, au moment du vote du PAS, une de ses justifications était la dynamisation de la consommation grâce à « l’année blanche ». C’est-à-dire grâce au changement d’assiette de calcul de l’impôt qui fait que les contribuables dont le revenu va baisser en 2019 par rapport à 2018 acquitteront un impôt assis sur une assiette diminuée (à savoir leurs revenus de 2019 et non, comme dans le système antérieur, ceux de 2018). Payant donc moins d’impôt, ils seront incités à plus consommer. En peu de temps, le PAS est ainsi passé du statut de moteur à celui de frein de la croissance !

Deux problèmes pointent...

En fait, les problèmes sont ailleurs. Il y en a deux : il y a d’abord la difficulté pour les informaticiens de créer les outils nécessaires à la réalisation de l’opération. L’impôt sur le revenu est tellement complexe que nul n’en maîtrise les tenants et les aboutissants. Il vit sur un maquis de règles, qui font l’aubaine des chicaniers, des optimisateurs fiscaux et des agents du fisc, qui y trouvent matière à exister. Le PAS aurait dû être l’occasion d’une remise à plat mais, hélas, cela n’est pas le cas.

Il y a ensuite le fait qu’en transférant la perception de l’impôt aux entreprises, l’Etat se désengage d’une mission régalienne qui lui incombe normalement. Alors qu’il garde des parts dans des entreprises automobiles ou veut gérer le transport ferroviaire, il n’hésite pas à privatiser la collecte de l’impôt. C’est le cas des amendes et va être en partie bientôt celui de l’impôt sur le revenu. La première Constitution française, celle de 1791, issue du libéralisme des Lumières, affirmait la nécessité de rompre avec la « Ferme générale » et la collecte privée des impôts. Elle stipulait notamment : « Le Pouvoir exécutif dirige et surveille la perception et le versement des contributions, et donne tous les ordres nécessaires à cet effet ». Le rappel de ce texte, repris par les premières Constitutions républicaines, devrait faire réfléchir nos dirigeants ; plus que les considérations fumeuses sur les conséquences psychologiques de la police de caractère utilisée pour rédiger les bulletins de salaire.

Jean-Marc DANIEL