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Privatisation d'ADP : pourquoi le sujet est si sensible

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Bruno Le Maire a défendu la privatisation d'ADP, inscrite dans la loi Pacte (dédiée à la croissance des entreprises). Mais cette mesure suscite polémique et résistance.

En France, dès que le mot "privatisation" apparaît, la mèche s'allume et s'engage un bras de fer idéologique entre ceux qui honnissent les privatisations et ceux qui ne jurent que par le privé. Dans le cas d'ADP, on ne déroge pas à la règle. Sans doute car ADP est ce qu'on appelle un monopole naturel et privatiser un monopole naturel est moins évident qu'une activité marchande classique.

Résultat, le sujet ADP est devenu le sujet passionnel dans cette loi Pacte qui compte pourtant 220 articles avec beaucoup de réformes majeures. Au fil des jours, la polémique a enflé. Les sénateurs ont dit "non" à la privatisation, les députés eux, l'ont rétablie. Dimanche, 250 élus PS ont pris la plume pour demander au gouvernement de renoncer. Mardi, Benjamin Griveaux indiquait que l'Etat garderait 20% avant de corriger sur Twitter : "Rien n'est décidé". Mercredi, Édouard Philippe et Bruno Le Maire ont à nouveau tenté de défendre leur projet de privatisation. 

Quels avantages d'une privatisation ?

La question à se poser est : privatiser ADP aujourd'hui a-t-il du sens ? Cela peut en avoir car les passagers ne verraient pas beaucoup de changements dans le fonctionnement d'ADP. Qui sait qu'à Londres, le site d'Heathrow est privé et qu'en Allemagne à Francfort, il est public ? De plus, actuellement 49% du capital d'ADP est déjà privé.

La privatisation aurait aussi du sens dans la mesure où le business ne justifie plus la présence publique au capital. Les 3/4 des recettes actuelles d'ADP viennent des boutiques et galeries marchandes et l'Etat n'a pas vocation à gérer des centres commerciaux. D'autre part, les perspectives de développement d'ADP vont demander de gros investissements et l'Etat ne parviendra jamais à mobiliser les ressources nécessaires pour les assumer. Le privé lui, y parviendra.

Mais aujourd'hui, si l'on regarde de plus près la situation, ADP ne semble pas prioritaire sur la liste des entreprises dans lesquelles l'Etat devrait se désengager. Orange, Renault, Engie, Air France sont autant de participations qui mériteraient d'être cédées. D'ailleurs la loi Pacte ouvre la voie à un désengagement total d'Engie. Autre paramètre, le prix de vente. En acceptant de passer sous le seuil des 50% du capital, l'Etat renonce de facto au contrôle stratégique de l'entreprise. La perte de cette "prime de contrôle" doit absolument être valorisée à sa juste valeur. D'après les calculs de Bercy, l'Etat pourrait obtenir davantage que les 8 à 9 milliards d'euros prévus.

Vinci en embuscade

Enfin, dans ce dossier sensible, un acteur joue également un rôle important: Vinci. L'entreprise qui possède déjà 8% d'ADP, se verrait bien en prendre le contrôle. Compte tenu des difficultés que traversent actuellement Vinci suite à la crise des gilets jaunes, l'Etat marche sur des oeufs avec un candidat qui n'a pas bonne presse.

ADP reste donc toujours un casse-tête pour l'Etat. Comment valoriser au mieux la "prime de contrôle" et ses 50,6% ? L'enjeu est important pour Bercy qui ne perd pas de vue ses deux objectifs : désendetter le pays et rester sous 100% de dette publique.