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Promos : la grande distribution s'adapte aux nouvelles règles

La loi alimentation interdit les promotions au delà de 34% de réduction.

La loi alimentation interdit les promotions au delà de 34% de réduction. - Intermarché

La grande distribution s'adapte aux nouvelles règles qui encadrent les promotions. La loi issue des Etats Généraux de l'Alimentation va en effet les plafonner à partir du 1er janvier à 34% en valeur et à 25% en volume pour les produits alimentaires. Du coup, les distributeurs trouvent des astuces pour recréer de l'attractivité promotionnelle.

Les distributeurs n'ont pas totalement renoncé aux méga promotions, du type -70% sur le Nutella. Si la loi l'interdit désormais sur les produits alimentaires, la tentation est forte d'en faire plus sur le reste. Ce sont surtout les rayons lessive-hygiène-beauté qui vont en faire les frais, à en croire les tous premiers prospectus de ce début d'année. « Le DPH (droguerie parfumerie hygiène) est désormais le terrain de combat », explique Olivier Dauvers, spécialiste du secteur de la grande distribution. A tel point que les industriels concernés commencent à s'en inquiéter. Unilever, Henkel et les autres refusent, disent ils, d'être la variable d'ajustement et dénoncent une distorsion de concurrence. Leurs produits sont déjà fortement promotionnés et accroître la pression pourrait avoir un impact sur leur compétitivité.

Les "ficelles" de la grande distribution

Les distributeurs ont procédé également à d'autres petits ajustements. L'inscription du mot "gratuit" sur les emballages, interdit dorénavant par la loi, est remplacé par le mot "offert", mais le principe reste le même : "Un offert pour deux achetés". On ne compte plus également les promos affichées à -34% sur les produits alimentaires. Un pourcentage, seuil maximum autorisé, qui semble en effet devenir la nouvelle norme. Rester dans les clous de la loi sans renoncer à attirer les consommateurs par des petits prix, c'est la nouvelle équation à résoudre pour la grande distribution.

EGA, la loi anticipée

Après plusieurs reports, les ordonnances de la loi alimentation ont été présentées en Conseil des ministres le 12 décembre. Une loi dont la principale mesure est le relèvement des prix sur les produits de grande consommation afin - c'est en tout cas l'objectif - de mieux rémunérer les agriculteurs et producteurs. Si l'encadrement des promotions entre en vigueur le 1er janvier, le relèvement du seuil de revente à perte est prévu pour le 1er février. Un mois avant la fin des négociations commerciales annuelles. Tout cela est encore théorique, on attend toujours les décrets d'application.

Mais les distributeurs sont bien obligés d'anticiper. De prendre en compte les nouvelles règles dans les box de négociations, histoire de ne pas faire le boulot deux fois de suite. Et puis surtout pour finaliser les opérations commerciales qui se décident longtemps à l'avance. « On ne peut plus reculer », avance Dominique Schelcher, le patron de Systeme U qui a soutenu publiquement la mise en oeuvre rapide de la loi. D'ailleurs, même les distributeurs, comme Leclerc, qui sont montés au créneau dès le début contre ces mesures "sans queue ni tête", ont décidé de jouer les bons élèves des EGA malgré tout. Sur son blog, Michel-Edouard Leclerc confirme que ses adhérents « appliqueront les EGA et qu'il est inutile de leur faire par avance un mauvais procès ».

Les doutes de l'Autorité de la concurrence

L'Autorité de la concurrence, elle aussi, n'est pas tout à fait convaincue de l'effet positif des mesures sur le revenu final des producteurs. Dans un avis rendu le 13 décembre, l'autorité estime que « Les deux dispositifs […] reposent sur une élévation des marges de la grande distribution au détriment des consommateurs finaux plutôt que sur une modification de la relation entre producteurs et distributeurs ». « Alors qu’ils sont censés », poursuit l'institution, « remédier à des préoccupations ciblées, spécifiquement issues du faible pouvoir de négociation de certains producteurs face à la grande distribution ou à certains transformateurs». En clair, l'institution émet des doutes sur le mécanisme de ruissellement d'autant plus que le dispositif est temporaire : « Le dispositif n’est destiné à être en vigueur que pendant deux années, conclut le rapport. C’est la raison pour laquelle l’Autorité de la concurrence émet un avis très réservé, à la fois sur le relèvement du seuil de revente à perte, et sur l’encadrement des promotions en valeur » .

Gilets jaunes, mauvais timing

« Le pouvoir d'achat des agriculteurs n'est pas en opposé au pouvoir d'achat des citoyens », a assuré Didier Guillaume, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Et pourtant, la Loi Alimentation va bien entraîner une hausse des prix. L'impact pour les consommateurs est évalué, selon les études, entre 800 millions et un milliard et demi d'euros. Cinquante centimes seulement par mois et par personne rétorque la FNSEA qui a fait ses propres calculs. « Il faut payer le vrai prix de la bonne alimentation » admet le patron de Systeme U.

Certes, mais le contexte s'y prête-t-il ? Mouvement des gilets jaunes, impact psychologique du prélèvement à la source ... Rien n'est moins sûr. Sur son blog, Michel-Edouard Leclerc persiste et signe : « Nous obliger à augmenter le Ricard, le Coca-Cola et le Nescafé dès le 1er février en magasin n'aura aucun impact sur le niveau de vie des agriculteurs français. Ceux qui ont inventé ça sont vraiment des tordus, bon courage aux responsables politiques de LaREM pour le vendre aux consommateurs dans quelques semaines ! »