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Quel impact aurait le programme de Jean-Luc Mélenchon?

Jean-Luc Mélenchon espère arriver à un taux de chômage de 6% d'ici à 2017.

Jean-Luc Mélenchon espère arriver à un taux de chômage de 6% d'ici à 2017. - Patrick Herzog - AFP

Le candidat de la France insoumise compte augmenter le SMIC de 16%, et promet un important programme de relance avec 100 milliards d'euros d'investissements et 173 milliards de dépenses nouvelles. Est-ce suffisant pour faire dégringoler le chômage? Non, selon l'étude d'impact de l'Observatoire BFM Business.

Cap sur la relance. Tel pourrait être le credo de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat de la France insoumise a livré dimanche le cadrage de son programme économique, pour le moins ambitieux. Le fondateur du Parti de gauche compte déverrouiller la dépense publique pour relancer l'économie. Pas moins de 100 milliards d'euros d'investissements dans des projets écologiques et "socialement utiles" sont prévus ainsi que 173 milliards d'euros de dépenses nouvelles pour financer, notamment, une hausse du salaire minimum de 16% (à 1.300 euros nets par mois) dès 2017, la retraite à taux plein à 60 ans ou encore un plan de construction d'un million de logements.

Jean-Luc Mélenchon compte aussi modifier le droit du travail: il prévoit d'abroger la loi El Khomri, d'interdire "les licenciements boursiers" et d'accorder un droit de veto aux comités d'entreprise sur les plans de licenciements. Il souhaite par ailleurs instaurer une sixième semaine de congés payés, revenir "sur les élargissements du travail dominical" ainsi que sur "la flexibilisation, l'annualisation, l'intensification et les horaires fractionnés".

Un chômage à 6%

Sur le volet fiscal, Jean-Luc Mélenchon entend transformer la CSG et l'impôt sur le revenu en une nouvelle contribution, plus progressive, avec un taux qui irait jusqu'à 90% pour la tranche de revenus au-dessus de 400.000 euros par an. Pour les entreprises, si leur taux d'impôts sur les sociétés serait abaissé à 25%, dans le même temps elles perdraient le bénéfice du crédit d'impôt compétitivité pour l'emploi. Enfin, le candidat de la France insoumise compte instaurer un "protectionnisme solidaire", avec des droits de douanes plus élevés pour les pays avec des droits sociaux limités.

Ce programme doit permettre, selon Jean-Luc Mélenchon, de faire baisser le chômage à 6% d'ici à 2022, avec une croissance à plus de 2% dès 2017 et un déficit sous les 2,5% d'ici à 2017. Mais quel est son impact réel? L'Observatoire BFM Business fait le point à l'aide du modèle économétrique Mac Sim II.

> Les résultats

Jean-Luc Mélenchon a choisi un électrochoc massif sur la demande, avec plus de 270 milliards d'euros de dépenses totales. Ce qui permet un impact positif sur le PIB qui s'élève à 5,3 points la troisième année du quinquennat. Mais cet effet va ensuite s'essouffler pour retomber à 4,7 points en fin de quinquennat. En effet, si la demande est dopée par les nouvelles dépenses, dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon instaure un choc négatif sur l'offre, avec les hausses de salaires (et donc du coût du travail), la suppression du CICE, mais aussi la réduction du temps de travail. In fine, ce programme dégrade la compétitivité des entreprises. À partir de la troisième année, ces répercussions se font ainsi sentir sur l'activité.

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Si l'impact cumulé reste, au final, positif sur la croissance sur l'ensemble du quinquennat, il n'en est pas de même pour le chômage. La première année, les mesures de Jean-Luc Mélenchon ont un effet positif (0,2%) qui s'estompe très vite, avant de se retourner. Au final, l'impact est même négatif de deux points. La rigidification du marché du travail et la hausse du coût du travail pèsent lourdement. Selon l'économiste Francis Kramarz, une hausse du SMIC de 1% détruit entre 15 et 25.000 postes. Sur cette base, une hausse de 16% du salaire minimum signifierait au bas mot 240.000 emplois en moins...

De plus, en raison de moins bonnes perspectives à l'international, les entreprises voient leurs carnets de commandes diminuer ainsi que leurs effectifs.

Mais les répercussions les plus palpables se font sentir sur les déficits. Concernant les finances publiques, les dépenses prévues dans le programme de Jean-Luc Mélenchon ne créeraient pas suffisamment d'activité en plus pour être compensées par des hausses des recettes. Le déficit public se dégraderait ainsi progressivement. L'impact serait, en cumulé, de 5,1 points de PIB sur l'ensemble du quinquennat.

La balance commerciale, par ailleurs, souffrirait énormément, en raison de la dégradation de la compétitivité évoquée précédemment. De plus, la relance de la demande comme le conçoit Jean-Luc Mélenchon, se traduirait surtout par une augmentation des importations. Comme le souligne le directeur des études économiques de Natixis, Patrick Artus, "une hausse de 1 euro de la demande intérieure conduit à une hausse de 70 centimes des importations", pour 30 centimes de valeur ajoutée domestique. Au total, l'impact du programme de Jean-Luc Mélenchon plomberait de 8 points de PIB le déficit commercial de la France, déjà largement dans le rouge.

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Au final, si Jean-Luc Mélenchon réussit à doper la croissance, l'effet atteint relativement vite ses limites. Dans le même temps, les finances publiques et les comptes extérieurs seraient détériorés, et le chômage remonterait.

Emmanuel Lechypre et Julien Marion