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Quel impact aurait le programme de Le Pen sur l'économie?

Les différentes mesures proposées par la candidate frontiste sont éclipsées par la sortie de l'euro, qui aurait des répercussions gigantesques et difficilement chiffrables. Dans le meilleur des cas, le programme de Marine Le Pen retirerait 6 points de PIB d'ici à 2022.

Chiffrer l'impact économique du programme du Front national pour l'élection présidentielle pose un problème de taille. Sa partie "conventionnelle" est assez classique, avec d’une part des mesures pour les PME (baisse de l’impôt sur les sociétés, simplification administrative, baisse des charges…), et d'autre part des gestes pour les ménages (retraite à 60 ans, prime de pouvoir d’achat, maintien des 35 heures, suppression de la loi El Komri, revalorisation minimum vieillesse…).

Un programme qui aboutit grosso modo à rendre 40 milliards d’euros qui seraient plus que compensés par 60 milliards d’euros d’économies, si le Front national parvient à les réaliser.

Toutes ces mesures peuvent parfaitement être intégrées dans un exercice de modélisation. Tout comme l’instauration de taxes douanières aux frontières.

Une évaluation impossible

Reste la partie la plus spectaculaire du programme de Marine Le Pen: l’abandon de l’euro et le retour à une monnaie nationale. Un projet qui a potentiellement des effets sur l’économie française 5 à 10 fois plus puissants que les mesures "classiques" évoquées ci-dessus.

À la différence de Jean-Luc Mélenchon, qui n’envisageait la sortie de l’euro que comme l’aboutissement d’un échec de la négociation avec nos partenaires européens pour bâtir une nouvelle Union européenne, Marine Le Pen fait de l’abandon de la monnaie unique le préalable à la mise en œuvre de son programme. Donc impossible d’évaluer son programme sans évaluer les effets de la sortie de l’euro. Problème: mettre en équations les conséquences d’un choc systémique comme la sortie de l’euro est aujourd’hui impossible. 

"Comme Robert Lucas le fit remarquer dès 1976, l’estimation des paramètres d’un modèle est elle-même dépendante des politiques économiques en place durant la période d’estimation. Or rien n’est plus dépendant des politiques économiques que le régime monétaire d’un pays, puisque celui-ci conditionne l’ensemble des autres domaines de la politique économique", estime l’économiste Éric Chaney.

Et, contrairement à ce que les eurosceptiques affirment souvent, aucune expérience historique d’union monétaire, l’Union latine entre autres, n’est comparable à l’Union Economique et Monétaire mise en place en 1999, aucune n’ayant entièrement délégué la souveraineté monétaire à une banque centrale supranationale et indépendante, si l’on excepte, bien entendu, les unions politiques ou les annexions.

Il est en effet impossible de savoir et de déterminer les effets d'une telle mesure: risque de crise financière, de panique bancaire, fuite des capitaux….

Le précédent de la lire

Néanmoins, en les ignorant et en restant sur les effets complètement mécaniques d'une dévaluation, il est tout de même possible de décrire à grands traits les conséquences économiques et financières d’une sortie de l’euro. Il s'agirait alors du meilleur scénario possible.

Si l’on se réfère au précédent historique le plus proche, la sortie de la lire du Système monétaire européen en 1992, la baisse pourrait atteindre 20% environ. Mais Mathilde Lemoine, la chef économiste de la banque Rothschild, n’exclut pas une baisse de 40%.

La chute de l’euro aura des effets sur l’inflation: les importations satisfont 25% des besoins de consommation des Français. Que leur coût soit renchéri de 20%, et l’inflation pourrait atteindre 5% l’an, soit une amputation de pouvoir d’achat de 2000 euros par an et par foyer.

La croissance plombée

Avec une monnaie plus faible et une inflation plus forte, les taux d’intérêt remonteraient. La Banque de France estime à 30 milliards d’euros le coût pour les finances publiques d’une hausse des taux à long terme de 1,5 point par rapport à aujourd’hui. Au-delà, la facture augmenterait de 10 milliards chaque fois que les taux augmentent de 0,5%.

Mais il faut aussi prendre en compte la dette privée, celle des ménages et des entreprises. Si on retient cette hypothèse de 1,5 point de hausse des taux, il en coûterait 10 milliards de plus de charge de la dette aux ménages et 20 milliards aux entreprises.

Au final, quel effet sur la croissance? À l'aide de notre modèle économétrique Mac Sim 2, nous calculons que le programme de Marine Le Pen aurait un impact négatif de 6 points de PIB sur l'ensemble du quinquennat. Les effets sur le taux de chômage seraient également forts (3% de plus en cumulé sur cinq ans). Le déficit public exploserait, avec un impact de 4 point de PIB sur l'ensemble du quinquennat. Quant au commerce extérieur, après avoir été dans un premier temps dopé par la dévaluation, les effets positifs s'estomperaient au point que lors de la dernière année du quinquennat, l'impact serait finalement négatif (1 point de PIB).

Pour sa part, l’institut Montaigne estime l'impact, à moyen terme, entre 4 et 13 points de baisse du PIB.

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Emmanuel Lechypre avec Julien Marion