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Quels effets aurait le programme économique de Montebourg?

La politique économique d'Arnaud Montebourg alourdirait les déficits

La politique économique d'Arnaud Montebourg alourdirait les déficits - Philippe Lopez - AFP

Dans son programme économique, l'ex-ministre de l'Économie et candidat à la primaire à gauche fait le choix de la relance budgétaire et du pouvoir d'achat. Un pari gagnant? Pas vraiment, selon l'étude d'impact de l'Observatoire BFM Business.

"Mon projet est keynésien". Voilà comment Arnaud Montebourg décrit son programme économique. Un projet dont l'ex-ministre du Redressement productif assure qu'il doit permettre au chômage de descendre à 6,1% d'ici à 2022, avec un déficit de seulement 2,5% de PIB à cet horizon.

Pour savoir si les projections du candidat à la primaire de gauche sont crédibles, l'Observatoire BFM Business a mis son projet au banc d'essai via le modèle économétrique Mac Sim II, composé de 1500 équations qui reproduisent le fonctionnement de l’économie française, et que nous avions déjà utilisé pour la primaire de la droite et du centre.

Pour rappel, le programme d'Arnaud Montebourg fait effectivement la part belle à la relance. L'ancien ministre du Redressement productif prévoit entre autres de mettre en place "un grand plan d'investissement de sortie de crise et de transformation écologique et numérique" de 4 milliards d'euros par an pour notamment "développer l'emploi non délocalisable".

Redonner du pouvoir d'achat

Arnaud Montebourg compte également redonner du pouvoir d'achat en transformant 10 milliards des 40 milliards d'euros du Crédit d'impôt compétitivité pour l'emploi de François Hollande en baisse de CSG pour les ménages plus modestes. Une manœuvre qui se ferait ainsi au détriment des sociétés. Sur le volet entreprises d'ailleurs, une surtaxe de 5 milliards d'euros sur les profits des banques est également prévue.

Certaines propositions d'Arnaud Montebourg visent le marché du travail. L'ex-trublion du gouvernement propose notamment d'instaurer un malus de cotisation sociale à l'assurance chômage pour tout licenciement et/ou non renouvellement de CDD. Il souhaite aussi abroger la loi El Khomri. Enfin au niveau européen, l'ex-ministre du Redressement productif entend suspendre l'application de la directive travailleurs détachés et convaincre ses partenaires d'en finir avec l'austérité.

Voici donc les résultats de ce cocktail de mesures.

> Les résultats

Au crédit d'Arnaud Montebourg, il est vrai que son programme d'investissement et de relance du pouvoir d'achat aurait un effet positif sur la croissance. Mais celui-ci serait limité et s'estomperait sérieusement au bout d'un moment. L'effet cumulé ne serait au final que de 0,5 point au bout de cinq ans. Il atteindrait 1 point dès la deuxième année, mais baisserait ensuite à partir de la quatrième année, l'effet des dépenses supplémentaires s'essoufflant.

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Si l'impact demeurerait néanmoins positif sur la croissance, les répercussions du programme du candidat seraient négatives sur tous les autres indicateurs. Les politiques d'Arnaud Montebourg gonfleraient ainsi le taux de chômage de 1,5 point sur cinq ans. Et les impacts cumulés sur le déficit commercial (-5,5%) et le déficit public (-1,7% point du PIB) seraient encore plus lourds. Ces contre-performances ont plusieurs sources d'explication. Face à la hausse du coût du travail liée aux 10 milliards en moins sur le CICE, l'alourdissement de leur fiscalité ainsi que le système de malus sur les cotisations à l'assurance-chômage, les entreprises n'auraient plus d'aussi bonnes perspectives et ne pourraient plus embaucher aussi facilement.

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Les importations favorisées

Par ailleurs, Arnaud Montebourg a décidé de mettre l'accent sur les "emplois non délocalisables". Un choix qui n'aide néanmoins pas les entreprises exportatrices. Enfin, les politiques de relance d'Arnaud Montebourg, en plus d'être coûteuses budgétairement et de creuser le déficit mineraient le commerce extérieur. Arnaud Montebourg favorise en effet la consommation des ménages. Or, selon Patrick Artus, le directeur de la recherche économique de Natixis, une hausse d'un euro de la demande intérieure conduit à une augmentation de 80 centimes d'euros des importations car "l’appareil productif domestique en France n’est pas capable de répondre à la stimulation de la demande".

Au final, les différents plans d'investissement d'Arnaud Montebourg, qui est le véritable pilier de sa politique économique, auraient bien des effets positifs sur la croissance, la productivité et la compétitivité des entreprises. Mais l'effort serait insuffisant au regard des autres effets traditionnels des hausses de dépenses publiques (dégradations du déficit public, de la balance commerciale...).

Emmanuel Lechypre et Julien Marion