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Qui seront les oubliés du très haut débit ?

Des câbles en fibre optique.

Des câbles en fibre optique. - x_tine-Flickr

Malgré une couverture en fibre optique qui avance, de nombreux foyers risquent d’attendre longtemps du très haut débit, voire du bon débit tout court…

La France entend être le champion de la fibre optique et il faut reconnaître que la couverture avance vite. A fin décembre 2018, on comptait 13,56 millions de locaux éligibles aux offres de fibre jusqu’à l’abonné (FTTH ou au moins 100 Mb/s), soit une hausse de 32 % en un an pour 4,8 millions d’abonnés.

On compte également 20,1 millions de locaux éligibles à des services à très haut débit (supérieur à 30 Mb/s), toutes technologies confondues, dont 13,9 millions en dehors des zones très denses.

Malgré tout, une France fibrée à 100% en 2022 est un horizon impossible à atteindre et l'idée est bien de continuer à miser sur la 4G, ou le satellite et d’autres technos pour apporter du très haut débit dans 20% du territoire qui sera de fait non couvert par la fibre. C’est le fameux « mix technologique » préconisé par le gouvernement.

Rappelons que l'objectif officiel est d'offrir à tous les foyers une connexion minimale de 8 Mb/s en 2020 et de 30 Mb/s en 2022.

Mais pour la fédération InfraNum, la part de foyers qui sera exclue du très haut débit voire d’un bon débit tout court, à savoir 8 Mb/s, sera plus importante qu’escomptée en 2022. A travers une étude, elle met en avant un résultat « édifiant ». « Le taux des futurs ‘oubliés du bon débit’ pourrait grimper jusqu'à plus de 20% dans certains départements ! », s’alarme la fédération.

5% des foyers dans la moitié des départements

Précisément, dans 31 départements, on pourrait observer jusqu’à 2% des foyers qui auront un accès internet à moins de 8 Mb/s. Dans 51 départements, ce taux montera au maximum à 5%. Ainsi, dans la moitié des départements français, jusqu’à 5% des foyers n’auront pas un « bon » accès au sens du régulateur des télécoms, l’Arcep. Et dans 2 départements, ce sont 20 à 24% des foyers qui seront en-dessous du plancher 8 Mb/s.

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« Nous tirons la sonnette d'alarme : pour ces foyers répartis partout en France et qui n'ont pas accès à un bon débit, la majorité des départements français court le risque d'une aggravation de la fracture numérique. Il faudra alors que les élus expliquent à leurs administrés dès l'année prochaine - lors des élections de 2020 et 2021 - que la solution viendra de la 5G, c'est-à-dire dans au moins 10 ans pour les plus chanceux ! » s'inquiète Etienne Dugas, Président de la fédération.

InfraNum s’inquiète en effet des palliatifs mis en avant par le gouvernement notamment la 4G fixe (qui permet de se connecter au réseau 4G mobile des opérateurs pour la connexion de son foyer) ou la future 5G. « La feuille de route de la 5G confirme que cette dernière ne sera pas généralisée avant 10 ans (voire plus en zones rurales) : attendre son arrivée pour répondre à un besoin immédiat de très haut débit fixe en zone rurale est un leurre », écrit-elle.

Et de poursuivre : « concernant la 4G fixe, les opérateurs SFR et Bouygues ont prévenu publiquement dès 2017 que la 4G ne pourrait combler les besoins en internet fixe que de manière ponctuelle, sous peine d'écrouler les réseaux mobiles, d'autant plus que les usages et le trafic associé explosent. La 4G fixe ne supportera pas, en plus, les usages domestiques ou professionnels spécifiques (triple play, streaming, téléchargements lourds...). Car la 4G dite « fixe » est en réalité la même 4G mobile que celle des téléphones, utilisant le débit partagé des antennes mobiles. ».

Quelle perspective pour les foyers concernés ? La Fédération préconise de pousser une autre technologie, le THD radio par boucle locale radio TD-LTE. Cette approche est différente de la "4G mobile dédiée au fixe" car elle est nativement fixe et s'appuie sur un réseau dédié, avec des sites dédiés, ce qui fait toute la différence notamment en termes de débits stables (autour de 20 Mb/s).

Mais pour cette solution se généralise, il faut libérer des fréquences. C'est désormais chose faite puisque le Gouvernement et l’ARCEP viennent d'ouvrir un guichet pour l’attribution de la bande de fréquence 3410-3460 MHz. Mais pour le moment, ce n’est pas la grande effervescence.

« Le guichet THD radio n'étant ouvert que depuis janvier 2018, seuls quelques dossiers ont pu être déposés par les collectivités auprès de l'ARCEP à ce jour. Le temps de constituer un dossier technique est en effet assez long. InfraNum demande donc officiellement à l'ARCEP la prolongation de l'ouverture du guichet jusqu'à fin 2020, au lieu de fin 2019, afin de permettre aux départements de constituer leurs dossiers et de finaliser leurs demandes », explique la Fédération.

« Il faut être clair dès le départ pour ne pas générer de déceptions, on parle bien de technologie hertzienne », explique néanmoins Sébastien Soriano, président de l'Arcep qui y voit donc une solution seulement transitoire. « Le très haut débit, ce n'est pas la radio ou le satellite mais la fibre optique. Il faut la même expérience pour tous les concitoyens. L'impatience est à son comble mais un THD à plusieurs vitesses ne fera que renforcer les inégalités numériques du territoire. », ajoute Laure de la Raudière, députée LR.

Il y a pourtant fort à parier que dans de nombreuses zones, le transitoire risque de devenir définitif, faute de fibre optique.

Olivier CHICHEPORTICHE