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Economie et Social

Réforme des retraites : le « théâtre de l’absurde »

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- - THOMAS SAMSON / AFP

Les rapports sur la réforme des retraites se sont multipliées depuis 1981, sans que rien d'efficace ne voit le jour.

Amédée est un personnage célèbre du théâtre de Ionesco. La pièce qui porte son nom est sous-titrée : « comment s’en débarrasser ? ». Le thème est le problème que pose à un couple -Amédée et Madeleine- la présence d’un cadavre dans leur chambre, un cadavre qui soudain se met à augmenter de volume et à les envahir. Dans la vie politique et économique actuelle, un des cadavres que les Amédée qui nous dirigent voient grandir sans jamais se montrer capables de s’en débarrasser est le problème des retraites.

Depuis qu’en 1991, Michel Rocard alors premier ministre, commentant un livre blanc sur le sujet qui vient de lui être remis, a déclaré que « le dossier ferait sauter les cinq ou six gouvernements qui oseraient prendre les décisions nécessaires », le moins que l’on puisse dire est que les décisions nécessaires n’ont pas été prises. Les rapports se sont multipliés comme le rapport Charpin de 1999 dont on doit constater qu’il constitue, à ce jour, le travail d’analyse du dossier le plus abouti et le plus exhaustif. Mais si les rapports n’ont pas manqué, il n’en a pas été de même du courage ! Le rapport Charpin se conclut par une liste de 12 propositions à mettre en œuvre pour assurer la pérennité de notre système de répartition. Le point 7 est d’une redoutable clarté : « Le recul progressif de l'âge de la retraite pourrait favoriser le rééquilibrage des régimes par répartition sans peser ni sur les revenus des retraités ni sur ceux des actifs. »

Malgré cela, la semaine qui vient de s’écouler a donné lieu à une incroyable succession de prises de position contradictoires sur le maintien de l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Affirmé dans le programme du candidat Macron à la présidentielle, ce maintien est l’archétype de la promesse intenable, une promesse que par une étrange obstination, nos dirigeants, qui d’habitude ne sont pas très regardants quand il s’agit de trahir leurs engagements, semblent vouloir respecter. Nième responsable du sujet « retraite » depuis 30 ans, Jean Paul Delevoye, qui prend son temps pour accumuler une montagne de réflexions qui accouchera d’une souris de décisions, assiste à la partie de pingpong gouvernementale sans savoir quelle conclusion en tirer.

La procrastination généralisée lui fournit l’opportunité de relire la pièce de Ionesco et d’en mesurer la pertinence pour comprendre sa situation, puisqu’elle est devenue le symbole de ce que les spécialistes appellent le « théâtre de l’absurde » !