Retraites : La réforme à nouveau retardée
Officiellement, il s'agit de laisser la priorité au grand débat national souhaité par Emmanuel Macron. Les ambitions et le calendrier sont maintenus même si les sujets explosifs demeurent.
« Tout reste à faire, nous en sommes à peine à l’apéro » ironise un haut responsable syndical. Pour l'instant en effet, seuls les grands principes ont été arrêtés : les 42 régimes actuels vont bien être fusionnés dans un seul régime à point et les pensions seront désormais calculées sur l’ensemble de la carrière. Reste à concrétiser ces grands principes et ce n’est que maintenant que Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire, va réellement entrer dans le vif du sujet avec les partenaires sociaux.
Des sujets tous plus explosifs les uns que les autres, à commencer par les conditions d'ouverture des droits, qui vont être abordées dès la reprise des discussions, le 21 janvier prochain. Autrement dit : à quel âge pourra-t-on partir en retraite et surtout à quelles conditions ? Si l'exécutif a promis de ne pas toucher à l’âge légal de départ, qui reste fixé à 62 ans, rien ne garantit en revanche qu'il n'instaurera pas un système de décote, pour inciter les salariés à retarder leur départ afin de toucher leur pension à taux plein. Ce qui dans les faits revient bel et bien à repousser l’âge légal, une ligne rouge pourtant pour les partenaires sociaux, y compris ceux qui sont favorables à cette réforme.
Quid des pensions de réversion ?
Autre question sensible, sur lequel là encore l'exécutif est resté très flou : que deviendront les pensions de réversion ? Un seul engagement a été pris : "les futurs veufs et veuves, retraités actuels garderont les règles de leur réversion" a assuré Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites. En clair, il n'y aura pas de changement de règle pour ceux qui sont actuellement à la retraite.
L'exécutif en revanche réfléchit bel et bien à harmoniser les règles pour les futurs retraités. Jean-Paul Delevoye d'ailleurs ne s'en cache pas : « la mise en place du système universel nous donne l'opportunité d'appliquer des règles identiques aux treize systèmes de réversion actuels », dit-il. Certains syndicats d’ailleurs plaident eux aussi pour une remise à plat. « C’est vrai qu’il y a aujourd’hui à peu près autant de règles que de régime ce qui donne lieu à des situations ubuesques : une femme divorcée par exemple perd ou non ses droits en fonction du régime auquel elle appartient », explique un haut responsable syndical, qui est donc favorable à une harmonisation à une condition toutefois : qu’il ne s’agisse pas de faire des économies.
Or, assure cette même source, « à Bercy, la tentation est grande de tailler dans ces pensions de réversion qui représentent au total 36 milliards d'euros, soit 12% de l'ensemble des dépenses liées aux retraites.
Une réforme à budget constant ?
Et c'est d'ailleurs l'autre inquiétude majeure des syndicats, y compris ceux qui sont favorables à cette réforme. Emmanuel Macron a toujours promis qu’elle se ferait à budget constant et que l’idée n’était pas de réduire les dépenses de retraite. Mais l’un de ceux qui est au cœur de ces négociations commence à douter : « Peut-il encore tenir cette promesses après avoir lâché plus de 10 milliards d’euros pour faire face à la crise des gilets jaunes ? » Si comme le dit le gouvernement, le calendrier est maintenu et que cette réforme est bien adopté en 2019.
Alors les partenaires sociaux pourront bientôt juger sur pièce car le Haut-Commissaire va très vite devoir préciser quel sera la valeur du point, sur quel critère il sera indexé et enfin qui pilotera le futur système ? « On attend de pied ferme tous ces éléments pour pouvoir enfin passer des principes aux simulations concrètes et voir s’il n’y a pas trop de perdants » prévient un haut responsable syndical. En clair, après déjà plus de 6 mois et 200 heures de discussions entre Jean-Paul Delevoye et les partenaires sociaux, le débat ne fait que commencer.