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Retraites: le Medef prêt à des concessions pour sauver l'âge-pivot?

Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef

Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef - Eric Piermont - AFP

Bien décidé à soutenir l'instauration d'un âge-pivot, associé à un bonus-malus, Geoffroy Roux de Bézieux a évoqué une décote pendant seulement 3 ans, en prenant l'exemple de la réforme de l'Agirc-Arrco. De quoi convaincre la CFDT?

Le Medef est-il prêt à de larges concessions pour faire passer la pilule de l'âge-pivot aux syndicats? C'est en tout cas le sens de l'intervention de son patron Geoffroy Roux de Bézieux, ce jeudi matin sur France Info. "L'âge-pivot, c'est quoi? C'est une décote, qui finalement laisse le choix aux Français. Vous pouvez partir à 62 ans mais pendant un, deux, trois ans [vous ne toucherez pas votre retraite à taux plein, NDLR] mais pas à vie! Ce n'est pas tout à fait la même chose!" Et de préciser : "pendant trois ans!"

Cette sortie est loin d'être anodine car le projet du haut-commissaire à la réforme des retraites (et désormais membre du gouvernement) Jean-Paul Delevoye laissait entendre que la décote était viagère, c’est-à-dire à vie. Contacté par BFM Business, le Medef semble un peu pris de court par la sortie de Geoffroy Roux de Bézieux, qui n'était apparemment pas le fruit d'une concertation générale. D'autant plus que la doctrine du patronat est justement de privilégier une décote viagère pour inciter les actifs à travailler plus longtemps. Avec une décote limitée à seulement 3 ans, rien ne dit que les Français choisiront de poursuivre leur carrière.

Faire bouger la CFDT

En réalité, cette annonce ressemble davantage à une tentative de sauvetage de l'âge-pivot, largement mis à mal par le président de la République, qui privilégie désormais "un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge". Pour Emmanuel Macron, c'est probablement une manière habile de remettre au cœur des négociations la CFDT, qui a fait de l'âge-pivot sa ligne rouge. Pour autant, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a rapidement indiqué, fin août, que la mesure n'était pas "enterrée".

Au cœur du triptyque réformiste (gouvernement, Medef, CFDT), la question de l'âge-pivot est donc majeur. En édulcorant son fonctionnement, Geoffroy Roux de Bézieux espère imposer ce système de bonus-malus. "Cela existe, je vous le signale, depuis le 1er janvier, dans les régimes complémentaires" rappelle-t-il sur France Info. "Et ça a été signé, c'est quand même important de le dire, par trois syndicats sur cinq. Donc ce n'est pas quelque chose qui est totalement révolutionnaire". Effectivement, un principe de décote, sur 3 ans, existe pour le régime de l'Agirc-Arrco, depuis le début de l'année.

Problème, en mai dernier, quelques mois après la mise en place de l'accord, les syndicats cherchaient déjà à rogner la durée de la décote de 3 à 2 ans. En vain. Finalement, les concessions du Medef se sont faites sur des cas particuliers mais pas sur la durée.

Nouveau round de négociations 

Reste à savoir si la CFDT acceptera de faire bouger sa position. Rien n'est moins sûr, tant le syndicat réformiste s'est montré hostile à ce système. Or, Emmanuel Macron tient à obtenir l'aval de Laurent Berger pour crédibiliser cette réforme si ambitieuse.

Du côté de la CFTC, en revanche, l'âge-pivot n'est pas un tabou mais le syndicat refuse la décote pour ceux qui ont cumulé la totalité de leurs trimestres avant 64 ans, comme l'expliquait ce jeudi matin sur BFMTV la vice-président Pascale Coton.

Après un nouveau round à Matignon, ce jeudi, où les partenaires sociaux se sont entretenus avec le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre des Solidarités Agnès Buzyn, les négociations vont se poursuivre pour tenter de trouver un consensus avant le printemps prochain, date à laquelle devrait être lancé le projet de loi. La question de l'âge-pivot risque donc de faire encore parler d'elle.

Thomas LEROY