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Economie et Social

Retraites : premier « big-bang »

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- - PHILIPPE HUGUEN / AFP

Sous des airs techniques, la réforme Agirc-Arrco amorce bel et bien la grande réforme Macron

C’est un premier « big bang » pour les retraites en attendant la grande réforme toujours promise par Emmanuel Macron. Et elle est loin d’être purement « technique » et négligeable. Avec la fusion des régimes de retraites complémentaires Agirc (cadres) et Arrco (tous les salariés du privé), de nouvelles règles entrent en vigueur comme le bonus-malus pour inciter à travailler plus longtemps, la hausse des cotisations, ou encore la clause de «soutenabilité », qui pourra permettre de faire varier le montant des pensions. On a bien là les germes de la grande réforme à venir, et les partenaires sociaux en sont bien à l'origine. Car ce qui démarre le 1er janvier est le fruit d’un accord qui date d’octobre 2015 et qui avait d’abord pour but de renflouer les caisses des retraites complémentaires, lourdement déficitaires. Il sera difficile de faire machine arrière quand Jean Paul Delevoye, haut commissaire à la réfome, leur demandera d'étendre peu ou prou ce mécanisme à tous les français

Ce sont deux mastodontes qui fusionnent : L'Arrco comptait 18,2 millions de cotisants pour 12,6 millions de retraités en 2017. L'Agirc comptait 4,2 millions de cotisants et 3 millions de retraités à la même date. 78 milliards d'euros de retraite sont versés chaque année par les deux régimes, dont les réserves s'élèvent à 62,5 milliards d'euros, des réserves qui, sans la réforme, auraient fondu à grande vitesse.

Le discret recul de l'age de départ en retraite 

Premier changement, sans doute le plus important, un bonus-malus pour retarder les départs en retraite : un salarié disposant de toutes ses annuités et qui prendra sa retraite à 62 ans aura une retraite complémentaire minorée de 10% par an pendant trois ans, puis une retraite à taux plein à 65 ans. S'il travaille jusqu'à 63 ans, aucune minoration ne lui sera imposée. S'il décale sa retraite de deux ans, il bénéficiera pendant un an d'un bonus de 10%, bonus qui grimpe à 20% s'il travaille trois ans de plus, et à 30% pour quatre ans de plus (pour les salariés nés à partir de 1957 ). Les personnes pouvant partir dès 60 ans (carrières longues) et celles devant travailler au-delà de 62 ans pour avoir toutes leurs annuités seront également concernées par ce système, qui s'applique au maximum jusqu'à 67 ans. Des dérogations sont prévues pour les salariés handicapés et les aidants familiaux. A tire d’exemple : un retraité touchant 1 600 euros de pension verra sa pension amputée de 50 euros par mois pendant trois ans s'il part à la date de son taux plein. Alors que s'il travaille un an de plus, sa pension passera à 1 665 euros mensuels.

La borne d’âge est le paramètre le plus important s’il s’agit de faire des économies. Et c’est bien le but premier de cette réforme. À l'origine, l'incitation à partir plus tard devait permettre au régime d'économiser 800 millions d'euros par an. Mais les gestionnaires craignent de n'atteindre que la moitié de cet objectif

les hausses de cotisation

D'après l'Agirc-Arrco, les cotisations d'un salarié non-cadre rémunéré 2.206 euros bruts par mois en 2018 augmenteront en 2019 de deux euros par mois pour le salarié, de six euros pour son employeur. Pour un cadre rémunéré 4.749 euros bruts par mois, l'augmentation est de 19 euros par mois pour le salarié, de 31 euros pour l'employeur.

Les droits acquis

Il n'y aura plus qu'un seul compte de points Agirc-Arrco, basé sur la valeur du point Arrco. Pour les 80 % de salariés qui ne sont pas cadres et ont acquis des droits à l'Arrco, aucune incidence. En revanche, les 20 % de cadres vont voir leurs points Agirc transformés en points Arrco. « Nous garantissons une stricte équivalence des droits, en allant jusqu'à 9 chiffres après la virgule » , affirme François-Xavier Selleret, directeur général du GIE Agirc-Arrco, le gestionnaire du régime. Pour être parfaitement transparent, un double affichage sera maintenu tout au long de 2019, et une calculette en ligne permettra à chacun de vérifier que ses droits sont intégralement conservés

Les droits à venir

Les pensions Agirc-Arrco ne seront plus indexées sur l'inflation mais sur l'évolution moyenne des salaires. Ce qui est a priori plus favorable pour les retraités, les salaires augmentant traditionnellement plus vite que les prix. Sauf que les partenaires sociaux pourront tenir compte d'un « facteur de soutenabilité ». Et donc minorer ou majorer au coup par coup le taux d'indexation en fonction de l'équilibre financier du régime.

C’est un autre point fondamental, qui nous rapproche de la « grande réforme » toujours promise. On sait déjà que le décompte par points sera généralisé. Tout le sujet, c’est l’évolution de ce point. Les droits acquis seront-ils intangibles, quelle sera l’étendue de la « clause de soutenabilité » quand l’ensemble des régime de retraites fondus dans un régime unique ? Les partenaires sociaux en tous cas ont montré la voie. Même si en 2015 ils ne l’imaginaient sans doute pas