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Finances publiques

Salaires des fonctionnaires: les pistes choc de la Cour des Comptes

La Cour des comptes proposent notamment de mettre fin aux exceptions à la durée légale du temps de travail

La Cour des comptes proposent notamment de mettre fin aux exceptions à la durée légale du temps de travail - Thomas Samson - AFP

A la demande du Sénat, les Sages de la rue Cambon se sont penchés sur les moyens de limiter la progression de la masse salariale de l'Etat qui atteignait 278 milliards d'euros en 2014. Ils proposent notamment de revenir sur certaines aides et de limiter les avancements.

278 milliards d'euros, 25% de la dépense publique et 13% de la richesse nationale. Voilà ce que représentait l'an passé la masse salariale de l'ensemble des 6 millions de fonctionnaires sur les trois versants de la fonction publique (Etat, hôpitaux et collectivités territoriales), selon un rapport de la Cour des comptes publié ce mercredi 9 septembre.

Les Sages de la rue Cambon ont, en effet, mené une étude à l'initiative de la Commission des finances du Sénat pour trouver les moyens de "maîtriser" cette masse salariale. Pourquoi? Pas vraiment parce que le coût des rémunérations des fonctionnaires s'envole. En effet, la Cour note que la masse salariale publique a progressé de 2,4% par an au cours des 10 dernières années, soit un chiffre "comparable à celui du secteur privé". Avec une nuance certes, le chiffre est davantage tiré par la hausse des effectifs (+0,6% en moyenne, contre +0,3% pour le privé) que de la rémunération (+0,2% contre +0,5% pour le privé).

Non, la véritable raison qui pousse les Sages à traquer les économies, c'est en fait la façon dont l'Etat gère la carrière des fonctionnaires et leur accorde des petits "plus", bref sa politique RH.

9 leviers

"Le principal enjeu portant sur la masse salariale est désormais d'identifier les moyens de financer une politique de ressources humaines dynamique dans la fonction publique, tout en respectant les objectifs de maîtrise de la dépense publique que le gouvernement et le Parlement ont fixés", écrivent ainsi les auteurs du rapport.

La Cour rappelle notamment que l'exécutif a récemment fait des propositions aux syndicats pour revoir les grilles de rémunération de la fonction publique. Une réforme qui pourrait coûter jusqu'à 5 milliards d'euros par an d'ici à l'horizon 2020. Les Sages sont convaincus que les mesures d'économies annoncées pour financer ces nouvelles grilles seront "insuffisantes pour compenser totalement ce coût".

En plus du gel du point d'indice (sur lequel se base le traitement des fonctionnaires), largement utilisé par l'exécutif depuis 2012, la Cour des comptes identifie ainsi pas moins de neuf leviers d'économies (voir encadré à la fin de cet article). Même si l'institution préfère parler d'une "boîte à outils". A charge pour le gouvernement de l'utiliser comme il l'entend.

Revoir la gestion des carrières

La Cour propose notamment de supprimer progressivement le supplément familial de traitement (770 millions d'euros de coûts en 2014). Il s'agit en fait d'un complément de rémunération versé au fonctionnaire en fonction du nombre d'enfant à sa charge. La Cour estime qu'elle "fait double emploi avec la politique familiale.

Autre aide dans le viseur des Sages de la rue Cambon, l'indemnité de résidence (500 millions d'euros en 2014) dont la Cour estime qu'elle devrait être réservée aux fonctionnaires vivant en Île-de-France car pour les autres "le zonage est en décalage avec les écarts de coût de la vie".

Surtout, la Cour des comptes cible la progression individuelle des carrières de fonctionnaires. "Les règles d’avancement, encore largement automatiques, pourraient être amendées en limitant les taux de 'promu-promouvables' et les réductions d’ancienneté, en réservant le bénéfice de l’avancement à l’ancienneté minimale aux agents qui obtiennent les meilleurs résultats, en contingentant plus souvent l’accès aux grades terminaux, et en supprimant les 'coups de chapeau' qui permettent à certains agents de partir en retraite sur la base de rémunérations majorées grâce à une promotion accordée six mois avant le départ en retraite sans que cette promotion soit justifiée par leurs états de service", développent ainsi les auteurs du rapport.

Utiliser la "politique de recrutement"

La Cour des comptes brise un tabou de plus en expliquant aussi que "la politique de recrutement" doit également mise à contribution. Le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, mesure instituée par Nicolas Sarkozy, pourrait permettre une économie annuelle de 750 millions d'euros, estiment les Sages, qui , pour autant, ne recommandent pas explicitement de revenir sur cette mesure.

Ils proposent en revanche d'agir la durée du temps de travail. Pas question de revenir sur les 35 heures (et 1.607 heures annuelles), non. Mais en revanche la Cour note qu'il existe un certain nombre de systèmes dérogatoires à cette durée légale et recommande de "mettre fin à ces pratiques non conformes".

Enfin, la Cour considère qu'il existe des leviers d'économies sur le coût des heures supplémentaires (1,5 milliard d'euros en 2013) de même que sur la sur-rémunération dont bénéficient les fonctionnaires d'Etat travaillant à temps partiel. Sont concernées, ceux qui passent à 80% ou 90% d'un temps complet. Pour la Cour, il "n'existe pas de réelle justification" à ce complément salarial.

Les 9 leviers d'économies de la Cour des comptes

1. la réduction du nombre de primes et indemnités indexées sur la valeur du point d’indice

2. la prise en compte des primes et indemnités récurrentes pour aligner la rémunération globale brute des agents à l’indice du minimum de traitement sur le SMIC brut

3. la limitation du bénéfice de la garantie individuelle du pouvoir d’achat aux agents dont le traitement indiciaire brut et la rémunération globale primes et indemnités récurrentes incluses ont évolué moins vite que les prix

4. la limitation du bénéfice de l’indemnité de résidence aux fonctionnaires travaillant en Île-de- France ; pour les agents hors Île-de-France, le montant perçu pourrait être gelé au niveau actuel et l’indemnité de résidence supprimée pour les nouveaux agents

5. la mise en extinction progressive du supplément familial de traitement

6. la modification des pratiques d’avancement individuel en baissant les taux de promus-promouvables, en rendant plus fréquents les examens professionnels pour certaines promotions, et plus sélectifs l’attribution des réductions d’ancienneté et l’avancement à l’ancienneté minimale

7. la reprise de la baisse des effectifs de l’État, dans le cadre d’une réflexion sur le périmètre des missions de service public, et le freinage de leur progression dans les autres fonctions publiques

8. le réexamen des régimes de temps de travail dérogatoires aux 1 607 heures, afin d’en apprécier la justification et l’arrêt des pratiques non conformes

9. la mise en extinction du dispositif de sur-rémunération du temps partiel à 80 % et à 90 %, en limitant le bénéfice aux autorisations de temps partiel en cours.

J.M.