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Santé: dernière ligne droite pour les négociations sur les dépassements d'honoraires

Dernier round des négociations sur les dépassements d'honoraires

Dernier round des négociations sur les dépassements d'honoraires - -

Alors que les Français ont de plus en plus de mal à accéder aux soins, les complémentaires santé, l’assurance maladie et les syndicats de médecins poursuivent les négociations et tentent de régler le problème.

"Une des préoccupations principales des Français, c’est l’accès aux soins. Ils sont inquiets quant à la manière d’accéder physiquement aux soins [face au manque de médecins] et s’ils pourront les payer [face aux dépassements d’honoraires]", déplorait ce matin Etienne Caniard, le président de la Mutualité française, sur BFM Business. Il était donc temps de réglementer tout cela. Après des semaines de négociations, les complémentaires santé, l’assurance maladie et les syndicats de médecins entamaient aujourd’hui, mercredi 17 octobre, la dernière journée de pourparlers.

Mais si la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a privilégié jusqu'ici la discussion, elle a toutefois affirmé qu'en cas d'échec, elle présenterait un amendement dans le cadre du Budget de la Sécu 2013 examiné la semaine prochaine par les députés. Les négociateurs savent également que la ministre ne se contentera pas d'un accord "au rabais", comme elle l'a répété.

2,5 milliards d'euros de dépassements d'honoraires

Pratiqués par un quart des médecins (secteur 2), les dépassements d'honoraires coûtent 2,5 milliardsd'euros par an, et posent problème dans certaines zones, comme à Paris, où peu de spécialistes sont en secteur 1 (tarif Sécu). Toutes les complémentaires santé ne prennent pas en charge ces frais qui ne sont pas remboursés par l'assurance maladie.

Au cours des négociations, l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance maladie) a proposé de mettre en place un "contrat d'accès aux soins". Ce contrat s'adresserait aux médecins de secteur 2 qui s'engageraient à stabiliser leurs dépassements et à pratiquer des tarifs Sécu pour les patients aux revenus modestes, en échange d'avantages sociaux. Leurs honoraires seraient remboursés sur la base du secteur 1 (plus élevée que pour le secteur 2), ce qui aurait pour effet de réduire le reste à charge des patients.

L'Unocam (Union des complémentaires) a proposé de financer en partie une hausse des tarifs du secteur 1, comme le réclament les médecins en échange de leurs efforts. Mardi, le président de la Mutualité française a déclaré au Figaro que les complémentaires étaient prêtes à injecter 150 à 175 millions d'euros. Le directeur de l'assurance maladie, Frédéric van Roekeghem, a, lui, annoncé qu'il ferait des propositions pour augmenter les tarifs du secteur 1, sans avancer de montant. De son côté, la CSMF, premier syndicat de médecins libéraux, suggère d'utiliser pour cela les économies réalisées en 2012 sur la médecine de ville, soit 350 millions d'euros.

Les excès sanctionnés

Les partenaires ont aussi planché sur le second point de la négociation: sanctionner les dépassements "excessifs" qui peuvent atteindre jusqu'à 10 fois le tarif Sécu. L'assurance maladie a mis sur la table un dispositif de sanctions, qui cantonne l'Ordre des médecins à un rôle consultatif. Mais encore faut-il définir les "dépassements excessifs".

"Nous considérons qu'à 150% de taux de dépassement (2,5 fois le tarif Sécu), on est vraisemblablement susceptible d'être considéré comme excessif", a déclaré à la presse le directeur de l'Uncam (Union nationale des caisses d'assurance maladie), Frédéric van Roekeghem, avant la réunion. Concrètement, pour la consultation fixée à 28 euros chez un médecin spécialiste de secteur 1 (tarif Sécu), des honoraires de plus de 70 euros seraient jugés excessifs.

De nombreux points restent donc encore à définir et cette dernière séance pourrait se prolonger. Certains parleraient même d’une huitième journée de négociations. Pourtant, l’urgence est là.

Dans une étude publiée mardi 16 octobre, l’UFC Que Choisir dénonce un phénomène dangereux en France. Etienne Caniard insistait encore sur ce point ce matin dans son interview à BFM Businness: "Là où il y a beaucoup de médecins, les dépassements d’honoraires sont les plus importants. Dans les autres endroits, on assiste à un véritable désert médical". 3,7 millions de personnes vivent dans un désert médical et 13,6 millions dans une zone d'"accès difficile" à ces praticiens. L’étude pointe aussi du doigt le problème des spécialistes. Non seulement les ophtalmologistes et les gynécologues se font rares mais moins de la moitié (46%) pratiquent les tarifs opposables. Du coup ce sont 80% des Français, soit 51 millions de personnes, qui ont potentiellement des difficultés à y avoir accès.

L'enquête montre également quelques surprises: il n'y a pas que dans les campagnes reculées qu'il est difficile de se faire soigner. Par exemple dans des grandes villes de plus de 100 000 habitants comme Orléans, Le Havre, ou Mulhouse, on peine à trouver des pédiatres de secteur 1 (sans dépassements).

Diane Lacaze