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SIAL : en route vers la transition alimentaire !

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- - THOMAS BREGARDIS / AFP

Ce n'est pas une simple mode ou le concept du moment. Le monde de l'agroalimentaire subit une profonde mutation. Quelque chose est en train de se passer dans notre assiette. On veut une nourriture plus naturelle, plus saine, plus authentique. Et tous les acteurs, qu'ils soient producteurs, industriels ou distributeurs ont pris conscience de ce nouveau paradigme. C'est le thème cette année du SIAL, le rendez-vous mondial de l'innovation alimentaire, qui aura lieu du 21 au 25 octobre à Paris.

Redonner du sens à son alimentation... c'est ce que demandent sept consommateurs sur dix, selon la dernière étude de Kantar. La dimension « plaisir » dans l'assiette n'est plus suffisante. Il faut aussi quelle soit variée, équilibrée, bonne pour la santé et ce n'est pas négociable ! Ce qui n'était qu'une tendance il y a deux ans s'est imposé aujourd'hui. En 2018, les consommateurs ont pris le pouvoir. Une donnée désormais prise en compte par tous les industriels. 

Il n'y a qu'à voir les slogans publicitaires. Une cinquantaine aujourd'hui insiste sur le goût authentique et la qualité des produits. Côté distributeurs, c'est devenu leur leitmotiv. Système U, Intermarché, Leclerc militent pour le « manger sain ». Carrefour en a même fait son principal engagement. En lançant « Act for food », il entend devenir le leader mondial de la transition alimentaire. Sa nouvelle signature : « on a tous droit au meilleur ». 

Le grand retour du goût 

C'est le grand retour du goût. Marre des colorants artificiels, tous les mêmes. A tel point qu'on ne fait plus vraiment la différence entre un yaourt à la fraise ou à la framboise. Aujourd'hui, les consommateurs ne veulent plus de tomates sans saveur, de pêches pourries avant d'être mûres. Fumé, toasté, infusé, maturé, qu'importe le process, il faut du goût, si possible fort, puissant, segmentant. 

On ajoute du safran, du gingembre, de la truffe dans les plats du quotidien, que du naturel évidement, et on se jette sur toutes les recettes venues d'ailleurs : comme le skyr, ce yaourt venu d'Islande ou le kombucha, cette boisson fermentée d'origine coréenne. Trouver du plaisir en mangeant bien, c'est la nouvelle association d'idées. Et ça se voit sur les emballages.. La confiture Bonne maman a désormais un « goût intense ».

Transparence et authenticité

Le « bien manger », le vrai, l'authentique, les consommateurs font de plus en plus attention à ce qu'ils mangent. Le bio est évidement très recherché et les distributeurs ne s'y sont pas trompés. Les rayons dédiés au bio s'agrandissent chaque année un peu plus dans les grandes surfaces, quand on ne décide pas simplement de créer de nouvelles enseignes. Les industriels ont tous désormais une gamme bio. Même le célèbre pâté Henaff a lancé sa version bio. 

Ce qui pose parfois des problèmes en terme de volume. La purée Mousline pour assurer son approvisionnement fait venir les pommes de terre bio d'Allemagne, le temps que ses partenaires agriculteurs locaux du nord de la France fassent la transition. Le secteur du Bio a encore explosé : 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier.

Le « bien manger », c'est enfin le boom des produits « sans »... Sans substance controversée, sans nitrite, sans antibiotique, sans pesticide. Ces produits "sans" connaissent une forte croissance chez Fleury Michon par exemple dans un marché de la charcuterie industrielle en repli. Ce sont aussi des aliments bons pour la santé, les « super-aliments », le boom des micro-algues et des graines de toute sorte. 

On connaissait le chia, le kale, c'est le tour du maca, du teff ou du curcuma. On ne parle plus que des bienfaits de la feuille de moringa, une plante tropicale originaire d'Inde. Utilisée jusqu'ici dans les soins cosmétiques, elle fait son apparition dans les cuisines en tisane ou en sauce. 

On est disposé à payer ces produits un peu plus cher, à condition d'avoir l'assurance qu'ils soient sains. Jamais le besoin de transparence et d'engagement n'a été aussi fort. Et en France encore plus qu'ailleurs... Les français sont avides d'informations. Ils veulent tout connaître sur l'origine des produits et les conditions de production. 

A fond sur le nutriscore, et sur toutes ces applications qui fleurissent et qui promettent la liste exhaustive de tous les ingrédients qui composent un produit. Système U a sorti la sienne. Auchan donne des conseils nutritionnels sur ses tickets de caisse. Les transformateurs organisent des portes ouvertes. Et les restaurateurs qui affichent sur le mur la photo de leurs fournisseurs font un carton. Même le sandwich du midi est touché par cette vague du « bien manger ». Les salariés sont prêts à payer 28 € leur snacking s'il est cuisiné par le chef Anne-Sophie Pic.

Le consommateur en quête de sens

Le consommateur se perçoit désormais comme un maillon essentiel de la chaîne alimentaire. Et prend conscience que ses actes et ses habitudes alimentaires ont des conséquences pour la planète. Il achète local dès qu'il le peut, se montre soucieux du revenu des agriculteurs et tente de réduire son gaspillage alimentaire. Il demande le même effort aux distributeurs et aux restaurateurs et attend que les industriels s'engagent. 

C'est la promesse de Danone par exemple. Le groupe s’est engagé à reverser la totalité de son chiffre d’affaires du 21 septembre à un fonds qui aidera les agriculteurs en France à passer à une agriculture plus durable. Les PME s'engouffrent dans la brèche. Ce sont elles qui sont les plus à même de répondre rapidement à cette attente. 

La marque Le « Picoreur » propose un poulet issu d'un élevage 100% bio. Son emballage utilise 70% de matière en moins, et elle se dit garante du bien être animal. Un sans faute qui plaît aux consommateurs. Ils se déclarent à 78%, selon le cabinet Kantar TNS, prêts à payer un peu plus pour valoriser ce travail.

Séduire et sécuriser le consommateur à la fois

C'est le grand défi des acteurs de la planète Food aujourd'hui. Les produits ne doivent plus être sujets à caution et le faux pas n'est pas autorisé. Les français n'oublient pas les derniers scandales sanitaires : les lasagnes à la viande de cheval, le lait infantile contaminé. Quitte à faire eux même, si les producteurs traînent des pieds. 

Le « fait maison », l'autoproduction est à la mode : on fait pousser ses herbes, ses tomates... La start up Prêt-à-Pousser vient d'ailleurs d'inventer de nouveaux potagers d'intérieur. On fabrique ses pâtes, son pain ou sa bière. Un vrai challenge pour les industriels qui doivent renouer le lien avec leurs clients.