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SMIC : « on patauge total »

Emmanuel Macron a annoncé lundi plusieurs mesures pour répondre à la crise des « gilets jaunes ».

Emmanuel Macron a annoncé lundi plusieurs mesures pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». - Charly TRIBALLEAU / AFP

Pour rendre concrètes les annonces d’Emmanuel Macron, l’exécutif cherche des solutions « innovantes »

L'exécutif n’arrive pas à traduire en mesures concrêtes les annonces d'Emmanuel Macron pour apaiser les gilets jaunes et honorer dans les faits l'augmentation de 100 euros pour tous les salariés au niveau du Smic. « Le salaire d'un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur » : parmi les principales annonces du chef de l'Etat lundi soir, celle-ci se révèle être le principal casse-tête.

D'abord, ces 100€ sont en fait « de l'ordre de 125€ » a précisé le Premier ministre, car ils viennent s'ajouter aux baisses de cotisation validées en 2018. « C'est un soutien supplémentaire de très grande ampleur pour ceux qui travaillent et disposent de revenus modestes dans notre pays, ce sont eux qui ont exprimé leur colère ces dernières semaines, c'est à eux que sont destinées ces mesures» ajoute Edouard Philippe

Ensuite, le ministère du travail, visiblement pris par surprise, a évoqué l’augmentation de la prime d’activité pour augmenter le revenu des salariés au niveau du Smic sans affecter les entreprises, sauf qu'en pratique on estime que 73% des salariés au Smic ne touchent pas cette prime d'activité, soit parce qu'ils ne la demandent pas, soit parce que le revenu de leur conjoint leur fait franchir les plafonds, elle ne concerne donc en réalité que 27% des smicards. Cette prime est en effet versée par la Caisse d’Allocations Familiales, sur la base des revenus du foyer, un smicard dont le conjoint a des revenus dépassant les plafonds s’en voit donc mécaniquement exclu. D’ailleurs les sommes évoquées par Bercy montraient qu’on risquait le marché de dupes : 500 millions d’Euros, pour 1 million 700.000 smicards, une simple règle de trois indique qu’il fallait en fait compter trois fois plus.

Dès le lendemain de l’intervention du président, Edouard Philippe avait clairement marqué son désaccord avec cet arbitrage : « notre objectif n’est pas d’en rester à ceux qui bénéficient aujourd'hui de la prime d'activité (...), c'est d'essayer de faire en sorte que par une meilleure organisation des choses, par une meilleure mobilisation de l'argent public, l'ensemble de ceux qui sont rémunérés au SMIC, puissent bénéficier de cette augmentation » Emmanuel Macron et son Premier ministre ont vite compris le risque politique que beaucoup de Français avec des bas salaires, dont de nombreux gilets jaunes, soient déçus s'ils n'étaient au final pas bénéficiaires de la mesure. « Les gens doivent voir ce qu'ils ont compris. C'est la clé pour restaurer la confiance et avoir le droit de continuer à réformer », a d'ailleurs reconnu le chef de l'État devant les parlementaires de la majorité mardi soir à l'Élysée.

Bercy fait de la résistance

Le député LREM Laurent Pietraszewski, a tenté d’avancer une piste : un « chèque Smic » versé directement aux employés concernés, afin « que ce soit matérialisé en fin de mois de façon lisible ». Il a finalement dû battre en retraite : « comment trouver dans les entreprises qui sont les smicards ? Et celui qui gagne 40 euros de plus que le Smic, est-ce qu'il a droit à la prime? Attention aux effets de seuil », avertit une source parlementaire. Il n’y a nulle part une « liste de smicards » ajoute un expert, « et on n’imagine pas demander aux entreprises une déclaration sur l’honneur ». « Depuis, on patauge total » nous dit une source parlementaire, « c’est la grande foire aux idées, tout y passe, mais la matière est tellement complexe qu’elle ne s’improvise pas ».

Le ministère du travail se refuse maintenant à tout commentaire supplémentaire, conscient sans doute d’avoir en partie provoqué la cacophonie de ces dernières heures. Une classique baisse de charges pourrait-elle encore être envisagée (il reste plus de 300€ de charges salariales sur la SMIC) ? Elle aurait le mérite d’être facile à mettre en place, mais le défaut de renforcer les « trappes à bas salaire ». Elle coûterait surtout bien plus cher que la « solution prime d’activité ». Bercy fait de la résistance. Des sources nous confirment que toute cette affaire part d’ailleurs d’un bras de fer entre Bercy qui ne voulait pas d’une mesure « pouvoir d’achat » et le président de la République qui l’a finalement imposée par la force. Cela explique l’improvisation totale, elle est néanmoins très risquée, le « marché de dupes » pourrait bien s’imposer dans l’opinion si une solution n’était pas rapidement trouvée