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Economie et Social

Syndicats : l’étrange modèle français

Retrouvez les coulisses de l'économie avec Jean-Marc Daniel à 7h50.

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LA CHRONIQUE ECO - « Désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit », déclarait début 2009 Nicolas Sarkozy. De fait, le 10 septembre, les perturbations de la vie quotidienne de la population ont été très limitées.

On assiste en France à un recul à la fois du nombre de syndiqués et de ce que l’on appelle la « conflictualité sociale » c'est-à-dire le nombre de journées de travail perdues pour fait de grève. Derrière cette évolution se pose la question de la représentativité des syndicats actuels. La retraite est un sujet qui en fait préoccupe les Français. Les sondages, avec toutes les précautions que leur interprétation réclame annonce que plus de 60% des Français sont sur la ligne des manifestants. Ce qui est en cause, ce n’est pas le problème mis en avant pour justifier la journée de grève, c’est plus la légitimité des organisations syndicales. Leur poids parmi les salariés ne cesse de décliner. Il y aurait, mais cela reste à prouver car on n’a pas de décompte exact incontestable, 1,5 millions de syndiqués, soit 6,5% des salariés. En 1950, ce taux était de 25%. En outre, le taux de syndicalisation n’est que de 5% dans le secteur privé pour 15% dans le secteur public. Il y a en France beaucoup de syndicats et peu de syndiqués, ce qui fait une spécificité du pays.

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Est-ce que cela nuit au dialogue social ?

Je pense oui, et d’ailleurs plusieurs rapports ont été publiés sur le problème de la représentativité des syndicats. Et en 2008, Nicolas Sarkozy a fait voter une loi pour limiter le nombre de syndicats et leur donner ainsi plus de poids. Ce qui est frappant néanmoins, c’est que par-delà le dialogue social, la conflictualité est aussi en baisse. Le XXe siècle a été un siècle de grèves assez fréquentes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Tout le monde a en mémoire 1936 ou 1968. Même les grèves de 1995 étaient beaucoup moins importantes. La France reste quand même en Europe avec l’Espagne, la Belgique et la Finlande parmi les quatre pays où il y a le plus de grèves par salariés. Une autre spécificité française à souligner est le poids de certains secteurs d’activité dans les grèves. La SNCF qui représente un peu moins de 1% des salariés représentait ces dernières années en moyenne 10% des journées perdues pour fait de grève. Toutefois, 2011 et 2012 ont été beaucoup plus calmes que d’habitude dans le monde du rail.

Les cheminots sont les porteurs de la revendication sociale!

Dans tous les pays, il y a assez souvent une profession qui symbolise une forme de radicalité sociale. On se souvient de l’affrontement entre Mme Thatcher et les mineurs. En France, ce sont plutôt les agents de la SNCF qui joueraient ce rôle. Ils ont tendance à donner à leurs mouvements sociaux une importance qui dépasse leur cas : c’est la thèse de la « grève par procuration ». Ils mettent en grève à notre place et pour nous aider. En 1995, ce discours avait plutôt pas mal fonctionné. Mais la population est de moins en moins disposée à considérer que la défense crispée des avantages des agents publics est une bonne chose pour elle !

Jean-Marc Daniel