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Terrorisme: la France a-t-elle les moyens de lutter dedans et dehors? 

10.000 militaires sont actuellement mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle

10.000 militaires sont actuellement mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle - Thomas Oliva-AFP

La France a-t-elle les moyens humains et financiers de lutter contre le terrorisme sur son sol tout en menant plusieurs opérations militaires extérieures? Une question à laquelle l'exécutif va devoir répondre clairement.

Peut-on assurer la protection de la population à l'intérieur de l'Hexagone tout en menant plusieurs opérations extérieures (Opex)? C'est désormais "la" question après les attentats de vendredi à Paris et la poursuite de l'engagement militaire français contre Daesh en Syrie avec des frappes aériennes dimanche. 

Assez d'hommes? 

Depuis dimanche, 10.000 militaires de l'armée de terre sont déployés dans l'Hexagone pour sécuriser 800 lieux publics. Et près de 8.000 militaires sont en opérations extérieures ou prépositionnés sur des bases françaises à l'étranger.

Mercredi, le groupe aéronaval, avec le porte-avions Charles de Gaulle avec 2.000 membres d'équipage et 12 Rafale et Mirage va quitter Toulon pour rejoindre la Mer rouge afin de participer à l'opération Chammal contre Daesh. 

Au total, ces opérations intérieures (Opin) et extérieures (Opex) mobilisent donc environ 20.000 militaires. Or, pour un homme sur le terrain, il en faut en moyenne trois en raison des permissions et des rotations des unités. Ce qui nécessite donc plus de 60.000 hommes disponibles, essentiellement de l'armée de terre. Et celle-ci ne dispose aujourd'hui que de 66.000 hommes aptes à être engagés sur le terrain. 

On le constate: l'engagement militaire français atteint ses limites. D'autant que les hauts gradés commencent à râler: est-ce vraiment à l'armée d'assurer la garde statique de bâtiments civils?

Le problème, c'est que les forces de police (145.000 hommes y compris les CRS) et de gendarmerie (97.000 hommes en comptant la centaine d'escadrons mobiles) sont déjà mobilisés par des tâches quotidiennes mais aussi exceptionnelles (Vigipirate, contrôle des migrants et Cop 21). 

Se pose donc la question des effectifs: malgré les créations de postes promis par l'exécutif après les attentats de janvier (2.600 d'ici 2017 dans la police et la justice) et 2.300 en 2016 dans l'armée, ne faudrait-il pas développer d'autres viviers d'hommes: la réserve (2.800 réservistes actuellement) et le rétablissement du service national? 

Assez d'argent? 

L'argent reste le nerf de la guerre. Après les attentats de janvier, François Hollande avait annoncé 3,8 milliards d'euros supplémentaires pour l'armée d'ici à 2019 dont 600 millions dès 2016. L'an prochain, le budget militaire devrait donc être maintenu à 32 milliards d'euros. 

Manuel Valls, lui, a promis d'ici 2017 2.700 emplois supplémentaires dans la police et la justice (dont 1.800 pour les services de renseignement) et 400 millions destinés au matériel neuf (armes de poing, gilets pare-balles, etc.) 

Le collectif budgétaire qui sera discuté en décembre devrait permettre de débloquer les crédits supplémentaires pour 2015, en particulier pour financer 1,2 milliard de surcoût des Opex et 200 millions du plan Sentinelle (voir plus bas). 

Mais si la France poursuit son engagement au Sahel tout en multipliant les frappes aériennes sur la Syrie, il faudra revoir à la hausse dès le début de 2016 les crédits militaires inscrits au projet de budget actuellement en cours de discussion. Ce qui nécessiterait de nouveaux arbitrages, à quelques mois de la présidentielle. 

Assez de coopération européenne? 

Reste une autre question: la France doit-elle demander l'aide de l'Europe? En fin de semaine, un conseil des ministres de l'Intérieur doit se dérouler à la demande de Bernard Cazeneuve afin de renforcer la coopération policière.

Mais en matière militaire, la France reste bien seule, tant au Sahel qu'au Proche-Orient. "Ou est l'Europe? Aux abonnés absents", a ad'ailleurs lancé ce lundi Alain Juppé. Or, sur les deux terrains, il s'agit aussi de lutter contre les menées terroristes qui menacent beaucoup de pays européens, pas seulement la France. 

Pourquoi dès lors ne pas considérer un certain nombre de dépenses militaires françaises comme des dépenses effectuées au nom de l'Europe tout entière et demander à ce qu'elles ne soient plus comptabilisées dans le déficit public tricolore? 

> Opération intérieure (Sentinelle) 

7.000 militaires de l'armée de terre dans l'Hexagone, un effectif porté à 10.000 depuis dimanche. Surcoût estimé : 200 millions en 2015

> Opérations extérieures (Opex): 

8.000 hommes dont 3.500 au Sahel (opération Barkhane), 900 en Centrafrique (Sangaris), 900 au Liban (Finul), et 700 en Syrie et Irak (Chammal). Surcoût estimé: 1,2 milliard en 2015

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P.C