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Jihadisme: les armes de la France pour surveiller et filtrer Internet

L'Etat dispose d'un arsenal de surveillance.

L'Etat dispose d'un arsenal de surveillance. - François Guillot - AFP

Le gouvernement dispose actuellement de plusieurs dispositifs pour surveiller les communications et, le cas échéant, bloquer des sites liés au terrorisme.

Après les attentats de la semaine dernière, la tentation sécuritaire est, et peut devenir de plus en plus forte pour le gouvernement qui pourrait probablement être soutenu par une population à juste titre inquiète.

Depuis le début de l’année, l’État dispose d’un arsenal qui lui permet d’un côté de surveiller les communications téléphoniques (appel, SMS…) ou en ligne et, de l’autre, de filtrer les contenus en ligne publiés sur les sites ou les réseaux sociaux.

Ces deux dispositions ont été introduites par la Loi de programmation militaire (LPM) de 2013 entrée en application le 1er janvier 2015, et la LOPPSI, appliquée depuis vendredi dernier après un décret d’urgence.

Avec Pharos, la population est également mise à contribution dans la surveillance du Net. Cette plateforme en ligne permet de dénoncer à la police les contenus publiés sur les réseaux sociaux, sur les blogs ou les forums. Depuis les attentats de la semaine dernière, elle a été prise d’assaut par les internautes rendant difficile son accès.

Ce que prévoit la Loi de programmation militaire

Considérée par certains comme la loi martiale d’Internet, la LPM est effective depuis ce 1er janvier avec un décret publié la veille de Noël. Elle permet aux autorités d’avoir accès aux télécommunications (appels vocaux, vidéoconférence, SMS, Internet) de suspects. Son but : détecter les comportements suspects pour anticiper les menaces d’attentats.

Le pouvoir donné aux services de renseignements qui pourront surveiller qui ils veulent sans autorisation d’un juge suscite la polémique. En cause, l'article 20 qui a été particulièrement attaqué pour les risques qu'il présente. En 2013, Jacques Attali estimait que cet article donnait "à l’administration tout pouvoir de traiter tout citoyen soupçonné d’un délit quelconque comme un terroriste, c’est-à-dire de pénétrer dans sa vie privée sans contrôle a priori d’un juge".

La méthode a aussi été critiquée. Au départ, les services de renseignements voulaient installer des mouchards sur les serveurs des opérateurs télécoms. Une intervention de la CNIL a permis d’éviter cette méthode. Le texte se limite aux données de connexion (identité, date et heure de communication, etc...). Mais surtout, les autorités ne pourront pas se servir comme ils le veulent dans les serveurs. Cette responsabilité a été confiée aux opérateurs qui recueilleront les données en temps réel.

Ce que prévoit la Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure

En 2011, cette loi, qui permet le blocage administratif de sites internet, était perçue comme l’une des pires atteintes aux libertés individuelles. Créée à l’initiative de Nicolas Sarkozy, elle a été épinglée par Reporters sans frontières qui a mis la France dans le groupe des 13 pays à surveiller pour ses atteintes à la liberté de la circulation de l’information. À l’époque, le parti socialiste s’était élevé contre.

Comme l’a révélé dès vendredi 9 janvier le site NextInpact, le projet de décret a été notifié en urgence à Bruxelles en raison de "l’accélération des phénomènes constatés de radicalisation par l’usage d’internet". Mais le véritable accélérateur est l’attaque contre Charlie Hebdo. Le texte sera publié au Journal officiel dans les semaines qui viennent après un tour de table des États européens.

Dans les faits, l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) devra dresser la liste des sites à bloquer, qu’ils soient terroristes ou pédopornographiques. Cette liste sera communiquée aux FAI "selon un mode de transmission sécurisé, qui en garantira la confidentialité et l'intégrité". Ils auront ensuite 24 heures pour agir.

De leur côté, les internautes qui se connectent à ces pages seront redirigés vers un message du ministère de l’Intérieur qui leur indiquera les raisons de ce blocage.

Concernant les moteurs de recherches, qui restent hors de ce champ, NextInpact estime que "l’hypothèse la plus probable est qu’un autre décret sera notifié à Bruxelles puis publié en France pour traiter de cette question".

Et demain ?

Ces dispositifs pourraient être complétés pour combler les failles révélées après les attentats parisiens. Mais, pour Manuel Valls, pas question de créer un Patriot Act "à la française". Sur BFMTV, le Premier ministre a affirmé qu’il fallait veiller à ce que les mesures d’exception soient "une réponse exceptionnelle, qui doit reposer sur le débat [...] dans le cadre du Parlement".

Nous en saurons plus demain lors du discours que Manuel Valls donnera à 15 heures à l’Assemblée nationale. Va-t-il lever les doutes ou les confirmer ?

Pascal Samama