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Un rapport choc du Sénat veut allonger le temps de travail des profs

Pour le sénateur Gérard Longuet (LR), le temps d’enseignement statutaire des enseignants français est inférieur en moyenne à celui des autres pays de l’OCDE.

Pour le sénateur Gérard Longuet (LR), le temps d’enseignement statutaire des enseignants français est inférieur en moyenne à celui des autres pays de l’OCDE. - Mehdi Fedouach-AFP

Le sénateur (LR) Gérard Longuet préconise d'allonger le temps d'enseignement des profs de collège et lycée, 18,6 heures en moyenne par semaine, inférieur selon lui à la moyenne des pays de l'OCDE. Une contribution politique au futur débat électoral sur la réforme de l'enseignement.

Réformer en profondeur l'organisation du temps de travail des enseignants: telle est la tâche "délicate" que suggère un rapport sénatorial. À l'occasion de l'examen du projet de loi de finance 2017, le sénateur LR (Les Républicains) Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission "enseignement scolaire", a distillé une série de propositions souvent explosives visant à globalement allonger le temps de présence et de travail des enseignants dans le second degré (collège et lycée). En pleine période préélectorale et au moment où le candidat (LR) François Fillon, préconise lui aussi d'augmenter le temps de présence des enseignants, ces propositions ne manqueront pas de faire débat.

Le sénateur et ex-ministre part du constat que "le temps d’enseignement statutaire des enseignants français (18,6 heures par semaine) est inférieur à celui de la moyenne des pays de l’OCDE (19,2 heures par semaine)". Pour lui, "le temps de travail effectif total des enseignants est, quant à lui, dans une large mesure, méconnu, les seules données existantes sur ce sujet reposant sur des enquêtes déclaratives".

Augmenter le temps d'enseignement des profs de 2 h par semaine

Une de ses suggestions les plus "explosives" consiste à augmenter les obligations de service des profs (le temps passé devant les élèves) fixées sur une base hebdomadaire (18 heures pour les professeurs certifiés en collège ou lycée ou 15 heures pour les agrégés).

Afin d’aligner le temps statutaire d’enseignement français sur celui de pays comparables (Allemagne et Royaume-Uni notamment), le sénateur LR propose "d'augmenter les obligations de service de 2 heures par semaine, soit un plafond annuel de 720 heures pour les certifiés et de 612 heures pour les agrégés".

Il ajoute qu'il faudrait "dans un objectif d’équité, hors classes préparatoires aux grandes écoles, aligner le régime horaire des professeurs agrégés sur celui des certifiés". Autrement dit, les agrégés en collège et lycée devraient assurer, comme les seconds, 20 heures d'enseignement par semaine (en cas d'allongement de leur charge horaire de deux heures) au lieu de 15 actuellement.

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- © Les enseignants français consacrent davantage d’heures à la correction des copies (7,5 heures) et à la préparation des cours (5,6 heures). Source : OCDE

Plus généralement, le rapport du sénateur veut revoir le cadre hebdomadaire qui organise le temps d'enseignement. Selon lui, "les rigidités liées à la définition hebdomadaire des obligations de service des enseignants sont pénalisantes pour les élèves car elles ne permettent pas d’adapter l’offre de formation aux besoins, qui peuvent être fluctuants tout au long de l’année scolaire".

Il prend à l'appui de sa démonstration les examens de fin d'année. Ceux-ci "représentent deux, voire trois semaines de cours perdues chaque année du fait de la fermeture des établissements, soit une perte de potentiel d’enseignement équivalente au travail de 20.000 à 30.000 professeurs". Or, "le système actuel ne permet pas que ces heures de cours perdues soient compensées par un nombre d’heures plus élevé en début d’année".

Il suggère donc, pour assouplir le cadre de gestion de leur temps de travail, de redéfinir les obligations réglementaires de service des enseignants sur une base annuelle et non plus hebdomadaire. Pour ce faire, il propose de s'appuyer sur la réglementation applicable aux fonctionnaires en matière de temps de travail, à savoir 1.607 heures l'an.

Vers l'annualisation du temps de travail des enseignants?

Afin d’apporter de la souplesse au cadre actuel, "il conviendrait de permettre aux chefs d’établissement de puiser dans ce stock d’heures annuelles en fonction des besoins naissant en cours d’année scolaire" explique le rapport. Ainsi, "en cas de maladie d’un enseignant lui empêchant d’effectuer 4 heures de classe, le chef d’établissement pourrait demander à l’un de ses enseignants de les prendre en charge sous la forme d’heures supplémentaires effectives." Ce serait une véritable révolution pour la gestion des établissements secondaires mais constituerait probablement un casus belli pour le puissant et conservateur syndicat SNES (syndicat national des enseignements de second degré).

Enfin, pour compenser l'allongement du temps de travail qu'il préconise, le sénateur LR suggère de renforcer l’attractivité financière du métier d’enseignant. Il envisage la revalorisation des grilles indiciaires en début et milieu de carrière. Il n'est pas sûr que cela suffise à faire passer la pilule de la "dérégulation" du temps de travail des profs, aux yeux des intéressés...

La souplesse nécessaire des heures supplémentaires

La dépense consacrée aux heures supplémentaires a crû de 26,4% entre l’année scolaire 2007-2008 et l’année scolaire 2014-2015, passant de 868 millions d’euros à 1,1 milliard d’euros. Leur montant inscrit au projet de loi de finances 2017 augmente encore de 8% passant à 1,155 milliard d'euros. "Les heures supplémentaires permettent de répondre aux contraintes liées au système actuel de dotation horaire globale, se répartissant entre heures postes et heures supplémentaires et à la répartition des élèves par classe" constate le sénateur Gérard Longuet, qui estime qu'elles sont un "facteur de souplesse indispensable". Dans un contexte où la rémunération annuelle nette moyenne des enseignants français du second degré est inférieure à la moyenne de l’OCDE, "les heures supplémentaires sont aussi un complément de salaire important pour les enseignants" relève-t-il.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco