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Ces pays où l'on peut déshériter ses enfants

VIDÉO - Comme on l’a vu avec la succession de Johnny Hallyday, lors d’un décès, c’est la loi du pays de résidence du défunt qui prime. S’expatrier peut donc s’avérer une solution pour ceux qui souhaitent déshériter leurs enfants.

“Je te déshérite.” Cette célèbre menace d’Harpagon à son fils dans L’Avare valait peut-être à l’époque de Molière, mais plus de nos jours. La loi française impose de léguer si ce n’est tout au moins une part de son patrimoine à ses enfants. C’est ce que les juristes appellent la “réserve héréditaire”, définie par le Code Civil.

Il existe cependant des solutions pour contourner ce principe. Le plus simple, c’est de déménager à l’étranger. Depuis 2015, un règlement européen stipule que la législation applicable sur l’héritage est celle du pays de “résidence habituelle” du défunt, qu’il soit en Europe ou dans le reste du monde. A noter que cela concerne uniquement les règles de répartition des biens à ses héritiers et non la fiscalité sur les droits de succession.

En clair, si un Français habite en Californie, à son décès, c’est la loi de l'État américain qui s’applique pour régler sa succession. Les biens qu'il possède en Californie, mais aussi par exemple son patrimoine mobilier en France (s’il en possède) ou n’importe où ailleurs dans le monde, seront soumis à la loi californienne.

Si l'on veut transmettre l'intégralité de son patrimoine à d'autres personnes que ses enfants, la solution est de résider dans un pays qui ne prévoit pas de réserve héréditaire.

La plupart des pays anglo-saxons

Le cas de Johnny Hallyday illustre parfaitement ce procédé. Le chanteur détenait une propriété à Los Angeles, d’où il a rédigé son testament dans lequel il lègue l’ensemble de son patrimoine et de ses royalties à sa dernière compagne Laeticia. Ses enfants Laura Smet et David Hallyday sont à première vue exclus.

Pour déshériter sa descendance, il n’est pas nécessaire de partir aussi loin. La plupart des pays anglo-saxons ont un système juridique dit de la “Common Law” qui ne prévoit pas de réserve héréditaire et qui laisse “une grande liberté testamentaire permettant de léguer l’ensemble de son patrimoine à la personne de son choix”, explique Nathalie Thevenet-Grospiron, notaire à Annecy. C’est le cas de l’Angleterre et du Pays-de-Galles côté européen.

A l’inverse, leurs voisins de droit romano-germanique (Portugal, Italie, Allemagne, etc.) imposent généralement une réserve héréditaire, mais il existe parfois des exceptions à l’intérieur d’un même pays. Pour protéger davantage les conjoints, le Pays basque espagnol a autorisé la possibilité de déshériter ses enfants il y a deux ans. De l’autre côté de la Méditerranée, Israël permet aussi cette pratique.

Assurer ses arrières

Le cas Johnny Hallyday montre aussi les limites que peut avoir le procédé. Tout l’enjeu est de savoir ce que la justice va retenir comme sa “résidence habituelle”. Est-ce bien sa maison à Los Angeles ou non ?

Il n’existe pas de définition stricte de cette notion. L’idée est que ce doit être une résidence réelle et non une simple “boîte aux lettres” comme dans certains affaires d’évasion fiscale. Il faut par exemple que ce soit le pays où les enfants du défunt sont scolarisés, où se trouve son lieu de travail, etc. Ces indications claires aideront de faire échouer toute contestation possible après le décès.

Pour cette question comme pour d’autres problématiques qui pourraient subvenir, telle la gestion des biens à l’étranger par exemple, mieux vaut anticiper et faire analyser par un professionnel sa situation de son vivant.

Ce qui échappe à l'héritage dans le droit français

  • L'assurance-vie : il s'agit d'un actif hors-succession qui n'est pas soumis aux règles de la réserve héréditaire. Le détenteur de l'assurance-vie nomme la personne de son souhait comme bénéficiaire du contrat.
  • La vente en viager : puisque il s'agit d'une vente, le bien appartient à l'acheteur lors du décès du vendeur. Le bien ne fait alors plus partie du patrimoine du défunt.
Jean-Christophe Catalon