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Wirecard : la Fintech européenne consacrée en Bourse

Markus Braun, PDG de Wirecard, veut atteindre rapidement les 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. La capitalisation de son groupe dépasse déja les 22 milliards d'euros !

Markus Braun, PDG de Wirecard, veut atteindre rapidement les 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires. La capitalisation de son groupe dépasse déja les 22 milliards d'euros ! - ERIC PIERMONT / AFP

L'arrivée de Wirecard sur l'indice boursier allemand DAX, en lieu et place de Commerzbank, est saluée par la communauté financière. Une victoire qui va bien au-delà du simple symbole, et qui célèbre un secteur de plus en plus chouchouté par les investisseurs.

C'est un grand coup que vient de frapper la Bourse de Francfort. Elle est en effet la première grande bourse européenne à intégrer (au 24 septembre prochain) une Fintech, une entreprise de finance digitale, a son indice porte-drapeau, le DAX30, qui regroupe les 30 plus grosses entreprises du pays, représentatif de l'économie allemande.

Un porte-drapeau fondamental, mais aussi technique et financier, tant l'indice vedette de la bourse allemande est aussi considéré par une majorité d'intervenants de marché, comme l'indice de référence de la Zone Euro.

Déjà parmi les poids lourds de la finance

Wirecard, société spécialisée dans le paiement numérique, prend donc la place de la vénérable Commerzbank, aux prises actuellement avec de lourdes difficultés structurelles, et qui a perdu un peu plus d'un tiers de sa capitalisation boursière depuis le début de l'année. 

Parallèlement, celle de Wirecard a quasiment doublé, et sa progression depuis 10 ans atteint le chiffre iréel de... 2115%. Et avec une capitalisation totale d'un peu plus de 22 milliards d'euros, Wirecard va arriver directement à la 3ème place de l'indice, juste derrière Allianz et Munich Ré... et juste devant Deutsche Bank, qui recule à 20 milliards d'euros. Cette dernière, qui perd également autour de 30% en bourse depuis le 1er janvier, vient d'ailleurs de signer son bon de sortie de l'indice européen Eurostox50...

Révolution rapide et inéluctable

Mais il faut y voir sans doute plus qu'un simple story-telling de la Licorne High-Tech qui vient chasser la vieille banque des avant-postes de la bourse. Plus que sa fulgurante ascension boursière, les performances fondamentales de Wirecard sont aussi le témoin d'une révolution rapide et inéluctable de l'activité bancaire et financière au niveau mondial.

En signant des accords d'inter-opérabilité avec des banques, des opérateurs télécom et d'autres services de paiement électroniques, Wirecard s'assure un maillage incomparable et en constante expansion. Le groupe compte en direct un portefeuille de plus de près de 40.000 grands comptes-clients, plus de 200.000 petits commerces, et a signé des accords avec plusieurs banques, donc le Crédit Agricole, ainsi que le service de paiement chinois AliPay, filiale du géant AliBaba.

Banques toujours en difficultés

Fort d'1,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur l'année 2017, le groupe s'est fixé comme objectif de dépasser les 3 milliards à terme, cap symbolique que de nombreux analystes financiers jugent très largement atteignable. Sur le seul 1er semestre, la progression du chiffre d'affaires et du résultat brut dépasse les 40%... 

Le contraste est saisissant avec le monde bancaire traditionnel allemand, aux prises avec un environnement de taux bas, qui empêchent les grands établissements de dégager de la marge sur leurs activités, et d'assurer leur transformation en limitant leurs coûts, pour tenter de résister à cette révolution numérique.

Valorisation déjà trop élevée ?

Pas ravis mais beaux joueurs, les responsables de Commerzbank ont réagi hier en apprenant l'éviction de leur banque de l'indice DAX au profit de Wirecard. Ils estiment que la nouvelle est certes mauvaise, mais qu'elle doit être considérée «comme un encouragement à persévérer dans notre stratégie actuelle de transformation en entreprise digitale», dit un des dirigeants de Commerzbank.

Mais le moment est-il bien choisi pour illustrer cette révolution en marche dans la composition des indices boursiers? Comme toujours se pose le problème de la valorisation. Beaucoup de responsables de places de marché, au-delà des simples paramètres de liquidité, intègrent souvent des entreprises à leurs indices vedette dans un souci de représentativité de l'économie. 

L'optimisme perdure

Et souvent à un moment critique, où ces valeurs peuvent paraître désormais très chères, et devenir un handicap pour les indices, aussi bien en termes de potentiel que de risque volatilité? Wirecard se paye en bourse autour de 60 ou 70 fois ses bénéfices estimés pour 2018... 

Mais le même genre de doutes avait saisi la communauté financière parisienne autour du luxe, qui fait désormais la force du CAC40 à Paris, avec des LVMH, Kering ou Hermès déja très bien valorisés, ce qui n'a pas empéché l'ensemble du secteur de progresser encore, même après l'intégration d'Hermès il y a quelques mois.

Que Wirecard entre directement à la 3ème place du DAX30 est plus qu'un symbole, cet événement matérialise à tous les niveaux la révolution en cours. De quoi rester optimiste sur l'ensemble d'un secteur encore relativement peu visible en bourse en Europe, malgré les performances de Worldline (filiale d'Atos), qui a plus que doublé de valeur en 3 ans à la Bourse de Paris, et l'introduction réussie du néerlandais Adyen, qui gagne plus de 15% depuis son IPO il y a un peu plus d'un mois.

Antoine Larigaudrie