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5G: Huawei pourrait ne plus pouvoir opérer en France d'ici 2028

Selon Reuters, les opérateurs télécom français ne pourront pas prolonger l'autorisation d'utiliser les équipements du chinois après 2028. Ils n'auraient donc aucun intérêt à passer commande aujourd'hui.

Après l'exclusion de Huawei des réseaux 5G britanniques, le géant chinois des télécoms pourrait également disparaître du paysage français dans quelques années. Si, officiellement, aucun boycott immédiat de l'équipementier n'a été acté, mais la réglementation qui se profile pourrait forcer les opérateurs à se passer de cet acteur majeur de la 5G.

Selon Reuters, qui s'appuie sur des sources proches du dossier, les opérateurs français souhaitant acheter des équipements 5G à Huawei ne pourront pas obtenir, à terme, de prorogation des autorisations qui leur ont été accordées. 

Rappelons qu'au début du mois, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) annonçait qu'elle allait accorder, pour des raisons de sécurité, des autorisations aux opérateurs télécoms pour utiliser des équipements 5G pour des durées pouvant aller jusqu'à huit ans.

Autorisation limitée à 3 ou 5 ans

Mais pour Huawei, non seulement cette autorisation aurait été limitée à trois ou cinq ans (contre huit ans pour ses concurrents) mais en plus cette autorisation ne serait donc pas renouvelée.

Conclusion, pour les opérateurs, il n'y aurait donc aucun intérêt à investir aujourd'hui dans des équipements Huawei 5G si ils doivent être retirés dans trois, cinq ou même huit ans. Si cette réglementation est officialisée, Huawei pourrait donc disparaître progressivement des réseaux télécoms français à l'horizon 2028.

"L'autorisation sous trois ans c'est une blague", a déclaré l'une des sources à l'agence de presse, ajoutant qu'aucun opérateur télécoms ne prendrait le risque d'investir dans un nouvel équipement qui met au moins huit ans à être amorti. 

Selon Reuters, "cette non-reconduction des autorisations pour les équipements Huawei (...) a été clairement exprimée comme étant la position du gouvernement français". L'Anssi n'a pas souhaité faire de commentaire.

Opérateurs français inquiets

Une telle décision risque d'être compliquée à avaler pour les opérateurs français et notamment Bouygues Telecom et SFR (propriété d'Altice tout comme BFM Business) qui utilisent Huawei dans leurs réseaux 4G. Mais c'est tout le secteur qui s'inquiète.

Les acteurs du secteur s'inquiètent de devoir changer d'équipementier, ou même démonter leurs anciens équipements en cas d'incompatibilité. Ils ont prévenu qu'ils demanderont une compensation si l'Etat barre la route au groupe chinois.

"Ca fait dix ans que Huawei est utilisé en France, ça fait près de dix ans que Huawei est utilisé dans quasiment toutes les capitales européennes", expliquait en décembre dernier sur BFM Business Arthur Dreyfuss, à l'époque président de la Fédération française des télécoms (FFT) et secrétaire général d’Altice, devenu depuis directeur général d'Altice Media France.

Compensation

"Si demain, Huawei était amené à être interdit sur tout ou partie du territoire, il faut bien que chacun ait conscience des retards considérables que nous prendrions dans les déploiements. Ça serait un retard considérable pour les territoires, pour les entreprises françaises, pour la transformation numérique. Cela aurait un coût".

Et de prévenir: "que les règles changent, soit. Mais chacun devra alors y prendre sa part, opérationnellement, financièrement. C'est, à vrai dire, le cas aux Etats-Unis. Ils ont pris des positions radicales contre des équipementiers mais il accompagnent ceux qui auraient à en pâtir".

Orange, le premier opérateur français, n'utilise pas en France les équipements du géant chinois, ni pour la 4G, ni pour la 5G. Ce qui n'empêche pas son patron Stéphane Richard de défendre Huawei, attendant toujours de voir ses fameuses preuves d'espionnage jamais présentées par les américains.

"Je serais intéressé qu'on nous les montre les preuves", soulignait ainsi le patron d'Orange sur BFM Business en février dernier. "Il y a très peu d'équipementiers, il y en a trois de rang mondial. Huawei représente un peu plus d'un tiers du marché mondial. Si on commence à dire, celui-là on va l'exclure, on se retrouve en face de deux entreprises. (...) Si on considère que 3 entreprises c'est trop pour faire face à nos besoins, qu'on me l'explique. Huawei est un grand acteur, c'est un acteur qui a investi considérablement en R&D depuis des années, il investit d'avantage que tous les autres réunis".

18 mois de retard à prévoir en cas de boycott

Les craintes en matière de retard de déploiement sont en tout cas confirmées par une étude de la GSMA, un groupement d’industriels qui regroupe la plupart des opérateurs et des fabricants de mobiles de la planète. Si Huawei est boycotté sur le Vieux continent, les déploiements prendront 18 mois de retard. "Nous estimons qu'une interdiction pourrait élargir l'écart sur la 5G entre l'Europe et les Etats-Unis de 15 points d'ici à 2025", estiment les auteurs de la note.

Selon eux, 25% de la population européenne serait couverte en 5G en 2025 en cas d'interdiction, contre 40% sans interdiction, alors qu'environ 55% de la population américaine disposera de la 5G à la même date.

Olivier Chicheportiche