Apple recrute des agents spéciaux pour protéger ses projets secrets

Pour faire cesser les fuites sur ses projets en cours, Apple a créé un service interne composé d’anciens membres de la NSA et du FBI. Tim Cook veut refaire d’Apple l’entreprise secrète qu’elle était à l’époque de Steve Jobs.
Quand la mise au jour du plan de lutte contre les fuites d’informations provient… d’une fuite d’information. Dans un article publié le 20 juin, le site américain The Outline révèle tous les détails d’une réunion d'Apple qui aurait dû rester parfaitement confidentielle. L’ordre du jour? Empêcher que des informations concernant ses produits ne soient transmises à la presse, à ses concurrents et aux contrefacteurs.
Tenue au début du mois de juin, cette réunion était menée par David Rice, directeur de la sécurité globale, Lee Freedman, directeur des investigations et Jenny Hubbert, qui travaille à la communication du service de la sécurité globale. Si ce type de conciliabule est logique pour une entreprise de cette taille, il a cependant été exceptionnel par la nature des informations dévoilées et le nombre de participants, une centaine d’employés d’Apple.
2,7 millions d'employés contrôlés par jour
Le but était de sensibiliser les cadres à un fait précis: aujourd'hui, la majorité des informations confidentielles concernant la marque et publiées par la presse proviennent du siège d’Apple en Californie et non pas des usines de ses partenaires en Chine, ce qui n'était pas le cas auparavant. Pour parvenir à ces conclusions, la société emploie un nombre encore inconnu d’enquêteurs issus des rangs de la NSA, du FBI, des services secrets ou encore de l’armée américaine.
Il y a quelques années, cette équipe s'est tout d'abord attaquée à une tâche titanesque: le contrôle des fuites issues des usines de fabrication. Selon David Rice, ce sont les entrées et les sorties de 2,7 millions d’employés répartis sur 40 usines en Chine qui doivent être contrôlées quotidiennement. À titre de comparaison, la Transportation Security Administration (TSA), qui vérifie notamment l’identité des voyageurs dans les aéroports américains, procède à -seulement- 1,8 million de contrôles quotidiens!
8000 coques d'iPhone cachées dans un soutien-gorge
En effet, l’inventivité des employés des sous-traitants asiatiques est semble-t-il sans limite lorsqu’il s’agit d’exfiltrer des pièces détachées des usines. L’une d’entre eux avait par exemple réussi à sortir au fur et à mesure 8000 coques en les cachant dans... son soutien-gorge. D’autres n’hésitent pas à dissimuler des composants entre leurs orteils, à les lancer par-dessus les clôtures ou les jeter dans les toilettes pour les récupérer plus tard dans les égouts.
Avec un salaire moyen de 350 dollars par mois, selon l’ONG China Labor Watch, ces employés sont en effet tentés par l’appât du gain. Des annonces fleurissent souvent dans les dortoirs ou sur les arrêts de bus pour leur offrir des récompenses. Apple avait ainsi connu en 2013 l’une de ses crises les plus importantes. La firme avait racheté sur le marché de Huaqiangbei à Shenzhen un premier lot de 19.000 coques d’iPhone 5c, puis un autre de 11.000, juste avant que les exemplaires de ce modèle ne soient livrés aux clients.
Mais le système de sécurité mis en place depuis par Apple a visiblement porté ses fruits. "En 2014, 387 coques ont été volées, 57 en 2015 et seulement 4 en 2016" a lancé Rice durant la réunion. Sur 65 millions de coques, c’est une performance peu commune réussie par Apple pour garder le secret sur un tel processus industriel.
Traquer les fuites émanant du siège d'Apple
La priorité est donc désormais de s’attaquer aux informations en provenance des employés qui travaillent au siège californien de la société et dans ses autres locaux basés sur le sol américain. Ces dernières années, deux d’entre eux ont ainsi été démasqués. Le premier travaillait depuis deux ans sur la boutique en ligne d’Apple. Le second depuis six ans au sein de l’entité iTunes. "Ces enquêtes prennent beaucoup de temps, a expliqué Lee Freedman lors de la réunion. Par exemple, l’une d’entre elles nous a pris trois ans pour découvrir l’identité d’un employé qui faisait fuiter des informations depuis le campus d’Apple".
Avec ce tour de vis, Apple espère désormais redevenir l’entreprise secrète qu’elle était à l’ère de Steve Jobs. Mais cela serait une réelle performance pour une société qui a depuis complètement changé de dimension. Apple affiche désormais la plus importante capitalisation boursière au monde et emploie 116.000 personnes en direct.