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Le GPS chinois Beidou est finalisé et couvre désormais toute la planète 

Satellite chinois DBS-3.

Satellite chinois DBS-3. - Reuters

Le 30e et dernier satellite de la constellation a été mis sur orbite, permettant à l'empire du Milieu de s'affranchir complètement du GPS américain.

Un 30e et ultime satellite de la troisième génération Beidou a été propulsé mardi dans l'espace à 09H43 locales (01H43 GMT) depuis le centre de lancement de Xichang, dans le sud-ouest de la Chine, par une fusée Longue-Marche 3, selon des images de la télévision publique CCTV.

En 2000, la région Chine était couverte puis la zone Asie-Pacifique en 2012, et quasiment toute la surface du globe depuis fin 2018. Avec la finalisation de cette constellation, l'ensemble de la planète est désormais couverte. Les autorités affirment que le système est plus précis que le GPS américain mais sans donner plus d'éléments. 

Le lancement de mardi est un "grand événement" qui "permet de rendre la Chine indépendante des systèmes américain et européen", note Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l'astrophysique, aux Etats-Unis.

Indépendance technologique

Brique après brique, la Chine construit donc son indépendance technologique, enjeu majeur pour le régime. Il y a bien sûr les services Internet comme Baidu (le Google local) ou Alibaba (commerce en ligne et ses multiples filiales), WeChat (réseaux sociaux) ou encore les télécoms avec un Huawei surpuissant. Autant d'entreprises leaders dans leurs domaines dans le pays.

Toujours dans cette quête de maîtriser de bout en bout accès et services, Pékin a décidé avant les années 2000 de ne plus être dépendant des Etats-Unis et de son GPS en matière de géolocalisation par satellite. Une brique technologique aujourd'hui indispensable dans la plupart des services en ligne. Car le GPS est un système conçu par et pour l'armée des États-Unis et sous son contrôle. Le signal peut ainsi être dégradé à tout moment si le gouvernement des États-Unis le désirait.

"La finalisation de Beidou-3 est un événement majeur pour la population chinoise mais aussi sans nul doute pour son armée", souligne ainsi Carter Palmer, spécialiste des questions spatiales au cabinet américain Forecast International.

Un écosystème à 57 milliards de dollars

Beidou n'est pas là pour faire de la figuration: selon le quotidien économique japonais Nikkei, la valeur que pourrait générer cet écosystème en biens et services pourrait atteindre 57 milliards de dollars dès cette année.

Beidou s'appuiera en effet sur la 5G qui est une réalité en Chine et sur un écosystème de 120 partenaires. Quand on sait que le numérique au global pèse 33% du PIB du pays (selon les autorités en 2017), on comprend les ambitions chinoises. Et les autorités promettent un système encore plus précis pour 2035...

Pékin n'entend pas laisser de place à la concurrence: Beidou est imposé aux mobinautes et aux fabricants de smartphones du pays (ce sont en effet les fabricants de terminaux qui choisissent quel système sera utilisé par défaut pour ces besoins), aux services publics, aux fabricants automobiles, aux compagnies de transport aérien et maritime. 

"Il existe par ailleurs un grand nombre d'utilisateurs industriels, notamment des navires et des flottes logistiques en Chine", qui outre le service de positionnement de Beidou utilisent son "système de messagerie", non présent chez ses concurrents, pour "les urgences et le sauvetage", commente Chen Lan, analyste pour le site GoTaikonauts.com, spécialisé dans le programme spatial chinois.

120 pays pourraient utiliser Beidou

L'empire du Milieu souhaite également "inciter" ses voisins à utiliser son système dans le cadre de son méga-projet de nouvelle route de la soie. Une trentaine de pays est concernée et déjà, la Thaïlande, le Pakistan, le Laos et Brunei ont donné leur accord à la Chine. Selon Pékin, ce sont 120 pays à terme qui utiliseront Beidou.

Cette volonté d'indépendance technologique vis-à-vis des Etats-Unis, on la retrouve également en Europe mais dans une moindre mesure. Si le Vieux continent n'est pas parvenu à créer des concurrents solides à Google, Facebook ou Amazon (à part quelques réussites comme Spotify), il s'est attaché à mettre sur orbite son propre GPS, le système Galileo aujourd'hui quasiment opérationnel (31 satellites en orbite) et bien plus précis que le GPS américain (de l'ordre du mètre contre une dizaine de mètres)... Il serait utilisé par 1 milliard de terminaux. Mais le projet aura connu de nombreux retards et remises en question, mettant 10 ans de plus que prévu à être bouclé (lancé en 1998, il devait être opérationnel en 2008).

La domination américaine en danger?

La Russie a également pris le même chemin en lançant Glonass (26 satellites) qui d'ailleurs devrait établir des ponts avec Beidou avec toujours le même objectif: rogner la domination du GPS américain. 

Reste que ce dernier dispose encore d'une avance considérable. En 2014, le nombre total de récepteurs GPS était estimé à 3,6 milliards dont 3,08 milliards de smartphones utilisant le système américain.

Le système chinois peut-il vraiment grignoter des parts de marché voire détrôner son rival américain? "De façon générale, Beidou a une meilleure précision que le GPS", souligne Carter Palmer. "Mais sa fiabilité reste à démontrer."

"Je ne pense pas que Beidou va supplanter entièrement le GPS", prédit-il. "J'imagine plutôt une situation où l'utilisateur emploiera plusieurs systèmes, dont Beidou, pour avoir des données de navigation par satellite plus précises."

Olivier Chicheportiche avec AFP