Ce livre fait polémique en révélant les secrets des origines de l'iPhone
Dans son livre "The One Device : The secret history of the iPhone", le journaliste Brian Merchant révèle la naissance de l'iPhone et comment les équipes d'Apple se sont mené une guerre dont les règles étaient établies par Steve Jobs.
« C’est un jour que j’ai attendu ces deux dernières années et demi ». Le 9 janvier 2007, Steve Jobs révèle à San Francisco lors de la conférence d’ouverture du salon MacWorld un produit qu’il qualifie d’historique: l’iPhone. En seulement dix ans cet appareil a bouleversé l'industrie de la téléphonie mobile, des télécoms et a fait d’Apple la plus grande entreprise du monde. Comment cette société californienne a-t-elle pu réaliser cette performance? C'est ce que Brian Merchant, journaliste pour Motherboard, révélera dans un livre qui sera publié le 20 juin (le 22 juin en France) et dont The Verge vient de dévoiler quelques bonnes feuilles. "The One Device : The secret history of the iPhone" raconte la genèse du smartphone à travers de nombreux témoignages exclusifs qui font déjà polémiques dans la Silicon Valley.
Comment Steve Jobs a manipulé Motorola
En 2003, l'intégration des fonctions de lectures de MP3 dans les téléphones mobiles menace l’iPod. Apple commence à prendre très au sérieux le marché de la téléphonie et envisage même de s'offrir Motorola avant de reculer par manque d’argent. Plutôt qu'un rachat, il conclut une alliance pour lancer le Rokr qui sera le premier smartphone compatible avec iTunes. Pour pour Steve Jobs, il ne s'agissait pas de faire un cadeau à Motorola.
Apple aurait volontairement saboté le Rokr pour démontrer que l'iPod était le meilleur produit pour se connecter à iTunes: "Tout était fait pour s’assurer que ce serait une expérience de merde" révèle Tony Fadell, le père de l’iPod. Lors de la présentation du produit, Steve Jobs présentait un téléphone aux fonctions bridées dont la fonction iPod ne marchait pas vraiment… avant de sortir un iPod nano de sa poche.
Convaincre Steve
Mais derrière l’humiliation de Motorola se tramait déjà la conception de l’iPhone. Un projet que Steve Jobs aurait d'abord rejeté. Les ingénieurs d’Apple, avec Tony Fadell qui s'octroie le beau rôle, commencent à travailler secrètement sur des interfaces qui pourraient ajouter à l'iPod une fonction téléphone. Un des premiers prototypes fonctionnels était doté d’une puce Wi-Fi pour naviguer sur Internet. Fin 2004, Steve Jobs finira par accepter que ses équipes amplifient leurs efforts. "Ok, je pense qu’on doit le faire". C'est comme cela que le projet "Purple" aurait vu le jour.
Fadell vs. Forstall
Malgré tout, deux équipes s’opposent sur ce que sera l'iPhone. La première (P1), dirigée par Tony Fadell, souhaite un iPod équipé d’un téléphone. Mais la seconde (P2), dirigée par Scott Forstall et soutenue par Steve Jobs, a de plus grandes ambitions.
L'idée de l'équipe P1 reposait sur un iPod doté de deux modes: musique et téléphone. En mode "musique", la click wheel (roue de sélection) affiche les commandes. En mode "téléphone", les chiffres de numérotation apparaissent.
L’équipe P2 se rappelle d’un vieux projet d’Apple nommé "Project Q79": une tablette tactile multi-touch plus proche d’un iPad que d’un iPhone. C'est en faisant défiler les menus sous son doigt, que Steve Jobs décide que c'est la voie à suivre.
Pour mettre fin à cette bataille interne qui oppose les équipes à l'origine de l'iPod et celles qui créent les logiciels MacOS, Steve Jobs nomme Tony Fadell responsable du hardware, et Scott Forstall prend la responsabilité du software. Le patron d'Apple dévoile son projet tactile à Tony Fadell et lui demande de la mettre au point: "C’est ce que je veux mettre dans mon téléphone". Fadell remet en question la capacité de Steve Jobs à le réduire à un format téléphone en si peu de temps. Il finira par céder et abandonner définitivement son projet que Steve Jobs, rancunier et pragmatique, ridiculisa lors du lancement de l’iPhone en 2007.
Fadell n'était pas le seul à douter de l'efficacité du tactile qui ne faisait pas l'unanimité à Cupertino. Phil Schiller, vice-président d’Apple, militait plutôt pour un projet moins risqué avec un clavier physique comme BlackBerry qui à l'époque était le must dans le business. Il n’aura finalement pas gain de cause.
Le développement du système d'exploitation de l’iPhone se fait dans la précipitation. Steve Jobs réclame un prototype fonctionnel dans un délai que les équipes jugent irréalisable. C’est ainsi que naissent les icônes presque carrées de l’iPhone. Des icônes qui, dix ans plus tard, sont toujours là.
Le culte du secret
Dans les extraits publiés par The Verge, Brian Merchant révèle le niveau de paranoïa développé par Steve Jobs. On y découvre que certains ingénieurs d’Apple doivent leur divorce à l’iPhone, Steve ayant interdit de dire quoi que ce soit sur leur vie professionnelle.
L'ouvrage révèle également la manière dont l’équipe iPhone était constituée. Steve Jobs ayant interdit de recruter des gens extérieurs à Apple par peur de voir des informations fuiter, tout se faisait en interne. Comme l'explique un ingénieur d'Apple à Merchant, les managers allaient puiser leurs ressources dans d'autres services. Pour rameuter les meilleurs éléments, le discours était aussi mystérieux qu'agressif.
"Tu ne nous connais pas, on a entendu parler de toi, tu es un ingénieur brillant et nous voulons que tu viennes travailler avec nous sur un projet dont on ne peut pas te parler. Et on veut que tu le fasses maintenant ". Quelques phrases qui précédaient un départ précipité pour rejoindre l'équipe travaillant sur l'iPhone. Les meilleurs ingénieurs disparaissent un par un, alimentant les rumeurs. Jusqu'à la présentation de l'iPhone, le secret sera parfaitement gardé.