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Cloud : pour résister à Amazon et Microsoft, IBM rachète Red Hat pour 34 milliards de dollars

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Inquiet du succès de ses concurrents directs dans le cloud, IBM réagit en déboursant la somme record de 34 milliards de dollars pour racheter Red Hat, numéro un mondial du logiciel libre. L’objectif est de proposer aux entreprises une offre de cloud hybride. Un rachat qui constitue la deuxième plus grosse acquisition dans le secteur informatique aux Etats Unis.

Certes IBM a été le premier parmi les géants informatiques à franchir le pas de l’Open Source il y a un peu plus de quinze ans. Mais de là à imaginer un tel rachat record, 34 milliards de dollars pour s’offrir Red Hat, l’incontestable numéro un mondial du domaine, la surprise est de taille ! En outre, même pour un géant comme IBM et ses 80 milliards de dollars de chiffres d’affaires et 5,8 milliards de dollars de bénéfice, la somme offerte représente un challenge de taille. (il s’agit de la deuxième plus grosse transaction jamais réalisée dans le secteur informatique aux Etats Unis*).

Le système Linux distribué par Red Hat est le principal concurrent mondial de Windows

Equipant serveurs d’entreprises et datacenters, Red Hat a été fondé en 1993 (l’année où IBM a failli mourir). Premier distributeur mondial du système d’exploitation GNU/linux, alternative concurrente aux logiciels de Microsoft, la société basée à Raleighn en Caroline du Nord est présente dans plus de 35 pays et emploie 12 000 personnes. Son chiffre d’affaires 2018 (exercice clos fin mars) a atteint 3 milliards de dollars avec un bénéfice net de 259 millions de dollars.

Bien que rattachée à la division cloud hybide d’IBM, Red Hat devrait rester une unité distincte. Son PDG Jim Whitehurst dépendra directement de la PDG d’IBM Ginni Rometty.

Les deux pd-g se connaissent bien et cherchaient depuis un moment à se rapprocher davantage. Tout s’est un peu précipité au cours des six derniers mois tandis que les Gafa accumulaient record sur record dès qu’ils présentaient leurs résultats trimestriels, affichant des croissances insolentes pour leurs activités cloud ; Microsoft Azure, Amazon Web Services, et dans une moindre mesure Google Cloud, font la course en tête sur ce secteur. Désormais bien implantés dans le monde de l’entreprise, ils menacent à terme le pré-carré d’IBM qui a du mal à soutenir la cadence de déploiement sur ce marché. D’autant que ses divisions matériels, services et logiciels marquent le pas. A cela se sont ajoutés les rachats de la plateforme de développement Open Source Github par Microsoft pour 7,5 milliards de $, suivi de celui Mulesoft par Salesforce pour 6,5 milliards.

Devenir l’acteur de référence du cloud hybride auprès des entreprises

Ces différents épisodes ont fait réagir IBM qui a compris que la bascule d’une infrastructure IT d’entreprise vers un modèle cloud n’est pas aussi évidente. Et que proposer une solution de cloud hybride capable de se combiner à du cloud public (Aws, Azure, Google) ou privé (entreprises) pouvait être un solide atout.

Migrer une messagerie ou du stockage primaire de documents, soit en gros 20% de l’activité est réalisable sas trop de frais. Par contre, c’est une autre histoire pour les 80% restants, les applications transactionnelles, les logiciels métiers, le « dur » de l’entreprise. De simples APIs, ces modules logiciels qui jouent le rôle de passerelles entre les applications existantes et le cloud ne suffisent pas. Le cloud et son modèle d’informatique dématérialisée n’est pas aussi ouvert qu’on peut l’imaginer. Pour porter certaines des applications d’entreprise en mode cloud, il est souvent nécessaire de tout développer une nouvelle fois. Inutile dès lors d’imaginer reprogrammer des applications en langage propriétaire, tout est aujourd’hui développé en faisant appel aux logiciels libres. D’où ce rapprochement plus étroit conclu entre IBM et Red Hat.

IBM, un grand virage par décennie

Cette acquisition qui se fera en cash – plutôt que par échanges d’actions- marque une nouvelle fois la capacité de l’américain à se remettre en question. En 1993, pour ne pas mourir, IBM avait basculé une grosse partie de ses activités vers les services. 12 ans plus tard, il se séparait de sa division PC qui avait fait sa gloire et marqué le début de l’ère informatique en 1980 sur la planète. Plus récemment, Big Blue avait rassemblé ses actifs stratégies autour de trois pôles l’analytique/intelligence artificielle, le mobile et la sécurité. Désormais, c’est le cloud qui fera office de socle de base du géant américain.

(*) En 2016, Dell a racheté EMC pour 67 Mds$