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Combien de données personnelles faut-il céder pour se payer un mug ou un t-shirt?

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Le temps d'un week-end, Kaspersky a ouvert un magasin à Londres qui facturait les clients avec leurs données personnelles. Ils sont nombreux à avoir accepté de s'offrir un t-shirt ou un mug en échanges de courriels, de SMS ou de photos personnelles.

Les données personnelles sont le nouvel or noir qui fait la richesse des géants mondiaux de l’Internet. Mais les utilisateurs savent-ils qu’ils en sont la source et que dans certains cas, ils pourraient en tirer profit? Pour tester la réaction du public, la société de sécurité informatique Kaspersky a ouvert un magasin éphémère plutôt particulier, comme l'a repéré Numerama: le Data Dollar Store qui vendait des goodies illustrés par Ben Eine, un street-artist britannique de renommée mondiale.

Cette boutique, qui proposait des vêtements, des objets de décoration ou des gadgets, a ouvert ses portes à Londres le temps d’un week-end de septembre. Pour payer ses achats, pas besoin d’euros, de dollars, de livres et encore moins de Bitcoins. La monnaie, c’était la donnée personnelle, et les clients n'ont pas hésité à en offrir pour se faire des cadeaux. 

Pour un mug: quelques photos ou des messages reçus par mail ou SMS. Pour un tee-shirt: les trois dernières photos prises avec son smartphone ou les trois derniers messages reçus (mail ou SMS). Et pour avoir l’affiche collector de l'événement, il fallait confier son smartphone au vendeur pour qu’il choisisse quelques fichiers.

Éveiller la conscience numérique des internautes

La plupart des clients ont accepté la transaction, trop heureux de pouvoir obtenir un produit pour presque rien, ce qui a d'ailleurs effrayé Ben Eine, présent dans le Data Dollar Store. Sur son blog, Kaspersky explique que si dans la vraie vie, ce mode de transaction peut effectivement faire peur, c’est pourtant "un choix que nous faisons assez souvent, c’est juste que nous ne le remarquons pas". Le spécialiste en cybersécurité précise même que "la plupart du temps, nous ne lisons même pas les modalités d’utilisation" des données privées que nous partageons avec la presque totalité des services en ligne ou des e-commerçants.

Le Data Dollar Store n’était qu’un exercice de sensibilisation pour éveiller la conscience numérique des internautes, afin d’en faire des cyber citoyens éclairés. Mais ce type de transaction n'est pas de la science-fiction. Quelques start-up proposent déjà d’échanger des données privées contre des services, des produits, voire des espèces.

Une pizza contre les données de ses proches

La start-up new-yorkaise Datacoup offre 8 dollars par mois et installe sur le PC de l'utilisateur un petit logiciel qui récupérera des informations sur ses comptes et ses réseaux sociaux. L'inventeur du Javascript et créateur de la Fondation Mozilla, Brendan Eich, a créé Brave, un navigateur expérimental géré sur la BlockChain. Cet outil permet de céder ses données en laissant toutefois à l’internaute la liberté de décider à quelles entités. Numerama rappelle aussi une expérience menée par des chercheurs du MIT qui proposaient une pizza à des étudiants en échange d'une dizaine d'adresses mails de leurs proches sans leur consentement. Résultat: 98% des personnes interrogées ont pris la pizza.

Mais combien coûtent vraiment nos données? Pour le savoir, le Financial Times a créé un calculateur en ligne qui dévoile une triste vérité: selon les individus, elles n’ont pas le même prix. La valeur des données va de 0,05 dollar pour un salarié célibataire, sans enfant, sans projets d'achat et sans bien, à un dollar pour un millionnaire marié avec enfants qui possède des biens, a les moyens de consommer et désire investir. Le prix semble faible, mais un "bon" profil vaut 20 fois plus cher qu'un consommateur de base. Pour un internaute, même dans la catégorie supérieure, il n’y a pas grand-chose à en tirer. Mais pour les plateformes qui vendent des milliards de données personnelles après un tri minutieux et intelligent, elles peuvent vraiment valoir de l’or.

Pascal Samama