BFM Business
Services

Comment l'ex-gloire du smartphone BlackBerry a disparu des radars en moins de 10 ans

Le clavier du Blackberry Key2

Le clavier du Blackberry Key2 - BFMTV

Le chinois TCL, qui avait récupéré le droit de fabriquer les célèbres smartphones à clavier, a finalement décidé de jeter l'éponge. Sauf coup de théâtre, c'est la fin pour cette marque qui avait connu un succès fulgurant dans les les années 2000, notamment auprès des pros.

"Nous avons le regret d'annoncer qu'à partir du 31 août 2020, TCL Communication ne vendra plus d'appareils mobiles BlackBerry", a annoncé la firme chinoise dans un message posté lundi sur Twitter.

C'est par ce tweet lapidaire qu'est annoncée la mort probable des célèbres smartphones à clavier qui ont fait la joie des professionnels pendant des années.

BlackBerry est donc le nouvel exemple de ces acteurs du mobile enterrés discrètement après avoir connu la gloire absolue. Les exemples sont légions: Nokia, Motorola, LG, ou Alcatel et Sagem en France... Retour sur une histoire cruelle faite de succès et de dérapages non-contrôlés.

1984-1998: avant le mobile, le Pager

A cette époque, le téléphone mobile et le mail fait encore partie de la science fiction. Au départ, RIM (pour Research In Motion) fondée au Canada par Mike Lazaridis, développe un système de transmission de données sans fil bi-directionnel de courriels et de notifications (paging).

Le RIM 900
Le RIM 900 © -

Après avoir développé un modem radio Mobitex (1995), RIM lance le Inter@ctive Pager (alias RIM 900 en photo), son premier pager (notifications écrites en mode push) à clavier. Déjà, cadres et dirigeants sont séduits par cette solution.

1999 : naissance de la marque BlackBerry 

Le groupe améliore son Pager qui permet (et c'est une première) de recevoir ses mails provenant de plusieurs comptes. La firme trouve ici son ADN: les emails et le clavier mécanique.

Dans le même temps, RIM lance la première version de son BlackBerry Entreprise Server (BES), épine dorsale de son écosystème. Installée dans les entreprises, cette brique applicative permet aux salariés de recevoir leurs mail pros directement sur leurs terminaux sans configuration compliquée. Une vraie avancée.

Le nom BlackBerry a donc été trouvé lors du développement du BES, et pas des terminaux. On dit aussi que les petites touches du clavier du terminal faisaient penser à des graines de fraises ou de mûres (qui en anglais se dit blackberry).

C'est également en 1999 que RIM est introduite au Nasdaq de New York. En 2000, RIM dévoile le BlackBerry 5790 qui sera donc le premier modèle à utiliser la célèbre marque. 

2001: du Pager au smartphone

C'est l'année charnière pour RIM. Le canadien lance son premier terminal permettant de téléphoner, il sera également le premier à être exporté hors des frontières nord-américaines.

La solution BlackBerry monte en puissance dans le monde avec la sortie de nouveaux modèles qui inaugurent un nouveau design qui fera la signature du canadien. Le succès est au rendez-vous.

2004-2006: les premiers succès

On compte désormais 2 millions d'utilisateurs BlackBerry dans le monde. Les modèles se tournent désormais aussi vers le grand public avec un modèle dédié.

Le succès est contagieux, en 2005 on compte 4 millions d'utilisateurs dans le monde. RIM accélère le mouvement avec un premier terminal à écran en couleur. En 2006, la base utilisateurs passe la barre des 5 millions.

2007-2009: au zénith 

Les deux nouvelles gammes d'appareils font un carton dans le monde. Les Blackberry se vendent comme des petits pains aussi bien chez les pros que dans le grand public, notamment chez les ados qui plébiscitent ces terminaux à clavier si pratiques pour chatter. 

-
- © -

Jusqu'en 2009, RIM flirte avec les 20% de parts de marché dans le mobile, il est dans le Top 3 mondial des fabricants derrière Nokia et Motortola. 

2010: premier mauvais choix

Apple révolutionne le monde du mobile avec son écran tactile et son ergonomie. RIM tente de contre-attaquer avec le Storm, son premier modèle à écran tactile qui fait disparaître le clavier physique. Erreur tragique, la sauce ne prend pas, les utilisateurs critiquent la disparition du clavier, c'est le premier mauvais choix stratégique de la firme. Fin 2010, sa part de marché mondiale tombe à 14% environ selon Gartner, alors que les ventes de smartphones explosent.

2011-2012: spirale baissière

RIM est pris entre deux feux: Apple et désormais Android de Google qui commence à imposer son système. Le fabricant revient au clavier, améliore son système d'exploitation qui fait enfin progresser les fonctions multimédias et surtout le navigateur. Mais ça ne suffit pas.

Trimestre après trimestre, sa part de marché baisse, notamment aux Etats-Unis où il a longtemps dominé le marché des smartphones. En 2011, il est ainsi dépassé par les smartphones Android mais surtout par Apple et son iPhone.

En interne, le fronde s'amplifie, critiquant les choix stratégiques du groupe. Outre un violent plan social (10% des effectifs supprimés), le fabricant lance une importante offensive produit avec la sortie de trois terminaux simultanément.

Rien n'y fait. Fin 2011, sa part de marché mondiale n'est plus que de 8%. BlackBerry ne vend pas forcément moins de smartphones (50 millions environ), mais les ventes globales ont considérablement augmenté et le canadien n'en profite pas.

2013-2014: tabula rasa et début de la fin

Le groupe décide de repartir d'une feuille presque blanche, lance un nouvel OS qui respecte son ADN, salué par la critique, rassure son public traditionnel avec un modèle à clavier mécanique.

Mais le marché s'est transformé. Les jeunes boudent la marque, les entreprises se tournent massivement vers iOS. C'est le début de la fin. En 2013, il vend moins de 30 millions d'appareils. Fin 2014, sa part de marché passe sous le seuil symbolique de 1%. 

2015: dernière tentative

Pour le groupe, l'avenir se trouve désormais clairement du côté des services aux entreprises, le smartphone n'est pas abandonné, enfin presque.

L'opération de la dernière chance est une forme de renoncement. Blackberry abandonne son propre OS et place ses espoirs dans Android. Mais en se jetant dans les bras de Google, Blackberry perd tout ses éléments de différenciation. D'autant plus que la sécurité et la gestion des mails et de la sécurité deviennent un argument de nombreux autres fabricants.

Résultat, la part de marché descend à 0,5%. En 2016, il ne vend plus que 4 millions de smartphones. A la fin de cette année, la part de marché de BlackBerry tombe officiellement à 0% selon Gartner...

2017: le chinois TCL rachète la marque

Le canadien décide finalement de cesser le développement de terminaux en interne et de se consacrer totalement aux services et au logiciel là où est la croissance. Avec un certain succès d'ailleurs.

En 2017, le groupe passe des accords de licences avec TCL, fabricant chinois qui a déjà racheté les marques Alcatel et Thomson. TCL devient le fabricant des BlackBerry en collaboration avec le canadien.

Malgré le lancement de quelques modèles qui jouent la carte de la tradition (design et clavier), les ventes restent anecdotiques, ce qui a finalement poussé les deux partenaires à jeter l'éponge. 

Olivier Chicheportiche