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Comment le discret EI Telecom est devenu le numéro 5 du mobile en France

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Le groupe, filiale du Crédit Mutuel, est à la tête de 4 opérateurs dont NRJ Mobile et rassemble désormais plus de 2 millions de clients. Une réussite qui s'est faite sans réseau en propre.

Si le grand public connaît parfaitement les quatre grands opérateurs mobiles que sont Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR (qui appartient au groupe Altice, propriétaire de BFM Business), peu ont entendu parler d'Euro- Information Telecom (EIT). Cet acteur, filiale du groupe bancaire Crédit Mutuel-CIC est pourtant le numéro 5 du marché avec 2 millions de clients (en novembre dernier) et 490 millions d'euros de chiffre d'affaires (en 2018).

Des chiffres qu'il convient néanmoins de préciser. EIT, c'est en fait 5 marques: NRJ Mobile, CIC Mobile, Crédit Mutuel Mobile, Auchan Mobile et CDiscount Mobile. Les trois premières représentent 70% de son parc d'abonnés. C'est surtout un opérateur sans réseau (ou MVNO) qui achète des capacités à ceux qui en possèdent un.

Comment cet acteur a-t-il réussi à tirer son épingle du jeu? Lancé en 2005, sous la marque NRJ Mobile (en partenariat avec SFR), l'opérateur surfe sur le succès des MVNO censés animés la concurrence face à Bouygues Telecom, Orange et SFR qui pratiquent encore des prix très élevés. En visant les 15-18 ans et les seniors à travers des offres réalisées spécifiquement pour les marques bancaires, Euro-Information Telecom rassemble dès 2011 un million de clients.

L'arrivée de Free Mobile change la donne

L'arrivée de Free Mobile en 2011 change la donne. En cassant les tarifs du mobile, celui qu'on appelait encore le trublion des télécoms rend les MVNO beaucoup moins attractifs auprès des consommateurs. Leurs parts de marché stagnent. Certains acteurs comme Virgin Mobile disparaissent, d'autres souffrent, comme EIT qui concède "quelques années difficiles".

Pourtant, EIT résiste en actionnant plusieurs leviers: la multiplication d'offres avec des marques fortes, la signature de contrats avec les trois opérateurs de réseau et le passage en 'full MVNO', soit la mise en place de son propre coeur de réseau interconnecté aux réseaux de ses fournisseurs permettant une liberté plus grande pour créer de nouvelles offres et de nouveaux services indépendamment de l'opérateur hôte. 

"En possédant notre coeur de réseau et grâce à notre taille, notre capacité de négociations auprès de nos fournisseurs opérateurs de réseau est plus forte", nous explique Nicolas Guilbert, directeur du développement d'Euro-Information Telecom. Traduction, le MVNO peut obtenir des prix de gros (pour les minutes de voix et la data) plus avantageuses afin de formuler des offres compétitives.

La spécificité des marques joue également. "Le modèle de l'abonnement mobile vendu par une banque fonctionne car on adresse une population qui a besoin de conseils ou qui habite en ruralité", poursuit le responsable. Une proposition qui a son importance dans un marché où le sans-engagement et la vente en ligne prédominent. 

Et EIT peut s'appuyer sur un bassin de 8 à 9 millions de clients des banques Crédit Mutuel et CIC pour "proposer des synergies comme le financement du téléphone par crédit par exemple", poursuit le responsable. "D'autant plus que les réseaux bancaires cherchent aussi à diversifier leurs revenus dans un contexte de taux d'intérêt bas".

Diversification stratégique

Pour autant, dans un marché où la facture moyenne (autour de 14 euros par mois) est une des plus basse des pays développés, le groupe doit rationaliser et diversifier son offre. En 2017, la marque Cofidis Mobile lancée en 2011 est fermée. En 2014, des offres B2B sont commercialisées à destination des PME, puis des ventes de flottes et enfin une offre de fibre optique avec SFR.

La suite sera synonyme de 5G qui doit permettre justement de faire monter les prix. "C'est un axe important qui va exiger des investissements importants dans notre coeur de réseau. Nous aurons accès à la technologie des opérateurs hôtes. C'est un défi industriel, on va monter dans la chaîne de valeur", commente Nicolas Guilbert.

Si EIT affirme être rentable "depuis de nombreuses années" sans donner plus de précisions, la 5G constitue bien un levier stratégique. Les consommateurs sont effet prêts à mettre la main au portefeuille. Selon une récente étude d’Ericsson menée en France, un utilisateur sur deux de smartphone serait prêt à débourser 9 euros de plus par mois pour un forfait 5G. Cela monte même à 11 euros pour les ‘early adopters’ (les technophiles). 

Mais cela ne se fera pas les yeux fermés, souligne l’étude. 43% des sondés entendent obtenir de nouveaux cas d’usage, de nouvelles applications et services. Reste à savoir si les opérateurs historiques ne voudront pas conserver une sorte d'exclusivité sur la 5G pendant une certaine période, laissant seulement le réseau 4G aux MVNO...

Olivier Chicheportiche