Comment les grands magasins traquent nos déplacements
Le BHV-Marais, le Forum des Halles, des boutiques de sport ou des magasins de jouets... Les enseignes sont de plus en plus nombreuses à pister leurs clients dans leurs rayons. Et pour cela, il leur suffit juste que le Wi-Fi de leurs smartphones soit activé.
C’est une discrète feuille blanche format A4 qui semble avoir été collée sur un pan de mur à la va-vite. On y apprend que Le BHV-Marais, célèbre grand magasin parisien, a mis en place un système de géolocalisation et qu’il faut désactiver le Wi-Fi de son smartphone si l’on ne veut pas être ciblé. Mise en ligne sur Twitter par l’illustrateur Adrien Havet, la photo a fait son petit effet fin juillet, mettant en lumière l’existence de cette pratique en France.
Fraichos le BHV. pic.twitter.com/qDW3k2TJNi
— Adrien Havet (@adhavet) 30 juillet 2017
Les "cookies" du monde réel
Ce qui choque dans le cliché pris au BHV le 31 juillet dernier, ce sont les informations minimalistes délivrées sur le dispositif et le fait que le public n’en soit pas plus clairement averti. Ce dont nous pouvons témoigner après nous être rendu sur place. Mais suivre les déplacements des clients est tout à fait autorisé en France, et surtout, de plus en plus répandu.
Outre le BHV-Marais, les Galeries Lafayette -qui appartiennent au même groupe- le Forum des Halles à Paris, le centre commercial La Vache Noire à Arcueil (Val-de-Marne), Les 4 Temps à la Défense (Hauts-de-Seine) mais aussi des magasins Intersport, ToysRus ou encore Gautier testent différents systèmes de géolocalisation de leurs clients, comme en témoignent les références des acteurs de ce marché Fidzup et Teemo.
Sur son site, le partenaire du BHV-Marais, Occi fait une analogie avec les cookies informatiques, qui enregistrent des informations sur les internautes et permettent de suivre leur comportement. Son dispositif serait l’équivalent de ces petits mouchards dans le monde réel.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Techniquement, pas question d’utiliser le GPS en intérieur. Car les données satellites n’y sont évidemment pas accessibles. Mais on peut en revanche capter les signaux Wi-Fi, Bluetooth, radio ou UWB (Ultra Wide Band). Dans le cas d'Occi, c'est le Wi-Fi qui est privilégié.
Pour cela, il faut avoir installé au moins trois hot spots dans les points de vente afin de réaliser une triangulation. Si le Wi-Fi est activé sur un smartphone, il va émettre des signaux dont l’intensité varie en fonction de l’éloignement des bornes.
En les mesurant, on peut donc déterminer la position du propriétaire. La CNIL impose toutefois que les données soient anonymisées. Pour identifier un smartphone, le système prend donc le plus souvent en compte son adresse Mac, c'est-à-dire l'identifiant unique de sa carte réseau.
À quoi cela sert-il ?
L'intérêt pour les enseignes est de suivre l'itinéraire des clients, de connaître leur temps de stationnement et au final de modéliser leur comportement pour mieux adapter l'offre à la clientèle, voire passer à l'étape suivante : celle du geofencing qui consiste à envoyer des messages promotionnels sur les terminaux.
Il n'est donc pas nécessaire de se connecter volontairement à un réseau public Wi-Fi pour être traqué. Et les possesseurs de smartphones vont être de plus en plus confrontés à cette situation.
Car la technologie pointe maintenant le bout de son nez sur la voie publique. Après avoir refusé les demandes de JC Decaux qui voulait géolocaliser les passants depuis ses panneaux publicitaires, la CNIL a autorisé au mois de mai dernier la société Retency à réaliser dans ce domaine une première expérimentation à Dijon. Vous ne pourrez bientôt plus échapper à la géolocalisation de votre smartphone.