BFM Business
Services

Fibre optique: comment la filière compte rattraper le retard pris dans les déploiements

Pour la première fois depuis le lancement du grand chantier de la fibre optique en France, le nombre de nouvelles prises cette année devrait être inférieur à celui de l'an passé.

C'est un ralentissement sans précédent. 4,3 millions de nouvelles prises de fibre optique devraient être déployées cette année contre 4,8 millions l'an passé et surtout un objectif affiché de 5,3 millions. Soit un million de prises en moins en 2020 par rapport aux prévisions. 

C'est la première fois depuis le lancement du grand chantier de la fibre optique en France que le nombre de nouvelles prises baissera d'une année sur l'autre. La faute à l'épidémie de coronavirus qui a provoqué l'arrêt des chantiers de déploiement pendant plus de deux mois.

Rien qu'au mois de mars, les déploiements ont fondu de moitié, selon les chiffres de l'Arcep, le régulateur du secteur. De quoi remettre en cause les objectifs stratégiques du gouvernement en matière de très haut débit, à savoir 80% de couverture des foyers en 2022 et 100% en 2025?

Des sous-traitants essentiels fragilisés

Car le déconfinement ne sera pas synonyme de reprise rapide des chantiers. "Baisse d'activité et de rentabilité, surcoûts de production d'une prise fibre (à cause des gestes barrière, NDLR), menace sur l'activité de nombreuses TPE-PME... ", s'inquiète la fédération InfraNum qui regroupe plus de 200 entreprises représentatives de l'ensemble des métiers de la filière des Infrastructures du numérique.

Selon une étude menée par les cabinets EY et Tactis, 11% des entreprises de la filière annoncent envisager des licenciements dans les 6 prochains mois. "Face à la brutalité du choc, la filière fait face aujourd'hui à des problèmes qui (...) risquent fortement d'altérer la tenue des engagements calendaires du plan gouvernemental", poursuit l'association.

"Il va falloir recaler les calendriers", a même prévenu Sébastien Soriano, président de l'Arcep sur l'antenne de BFM Business.

Un enjeu pour la transformation numérique des entreprises

La question n'est pas simplement calendaire. La fibre optique est un enjeu essentiel pour l'aménagement du territoire, pour la transformation numérique des entreprises et in fine pour la compétitivité de la France face à de nombreux pays européens qui sont en avance en matière de très haut débit (THD).

Alors que le gouvernement n'entend pas revoir ses objectifs malgré le contexte, la filière, composée des opérateurs télécoms mais surtout d'une myriade de petits sous-traitants fragilisés par la crise, se mobilise pour rattraper au moins partiellement ce retard.

Plusieurs mesures sont ainsi proposées par InfraNum comme "soutenir financièrement les acteurs de la filière, et tout particulièrement les TPE/PME pour lesquels le maintien du niveau de trésorerie est à risque". "Plusieurs mécanismes peuvent être activés: avance de phase sur les subventions de l'Etat aux collectivités (via le FSN, le Fonds national pour la société numérique, NDLR) de l'ordre de 200 millions d'euros, renforcement des fonds propres des entreprises via un fond de filière et gel des pénalités de retard lié à la crise sanitaire".

Accélérer les recrutements de techniciens

Ou encore "mettre en place des actions coup de poing dès cet été pour reconstituer l'outil de production nécessaire à la poursuite du déploiement fibre et au raccordement".

La filière veut "encourager l'Etat à communiquer sur les opportunités d'emploi dans la filière, de renforcer la digitalisation des formations (tutoriels type École des plombiers du numérique) et d'assurer des passerelles entre les filières en difficultés et celle des infrastructures numériques, au travers des centres de formation opérationnels et des plateaux labellisés. Ceux-ci permettent en effet des cursus courts et des conversions rapides". Il faut rappeler que le secteur peine à recruter des techniciens de raccordement alors que la demande est très importante.

Il s'agit également d'"activer des niches de gains d'efficacité non couvertes par la loi ELAN pour compenser la baisse de productivité engendrée par le respect des gestes barrières" en fluidifiant "les relations entre tous les acteurs (pour) faciliter les raccordements".

Rattraper le retard pris dans la couverture des entreprises

Autre piste, reconnaître la filière comme "essentielle" (à l'image de l'eau et de l'énergie) pour permettre la poursuite des déploiements en cas d'un reconfinement.

Le secteur entend également accélérer dans la couverture des entreprises, le parent pauvre du très haut débit en France, la faute à une concurrence qui a du mal à s'exercer, à travers des crédits d'impôts pour les TPE et les PME.

"Si notre écosystème est abîmé, il n'en reste pas moins mobilisé pour se remettre d'aplomb et assurer ses engagements dans le cadre du Plan France Très Haut Débit et du New Deal Mobile, dans l'esprit initial d'une co-construction avec l'Etat et les collectivités locales", souligne Etienne Dugas, président d'InfraNum.

Rappelons qu'au 31 mars 2020, 19,6 millions de locaux étaient éligibles aux offres de fibre optique, soit une hausse de 35% en un an. Le taux de couverture de la fibre en France est d'environ 39% avec de très fortes disparités: 84% en Ile-de-France, contre 28% en Bourgogne-Franche-Comté par exemple.

Olivier Chicheportiche