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La Cour de cassation donne raison à Free et remet en cause la subvention du mobile par les opérateurs

Pour la Cour de cassation, la subvention du terminal, si elle est proposée, doit respecter les règles du crédit à la consommation.

Pour la Cour de cassation, la subvention du terminal, si elle est proposée, doit respecter les règles du crédit à la consommation. - Eric Piermont-AFP

Après avoir perdu en appel contre SFR, Free obtient gain de cause en Cassation. La Cour assimile la subvention du mobile par l'opérateur à un crédit à la consommation. Pour Free, l'actuel paiement étalé du terminal n'est pas licite, ce qui remettrait en cause les contrats existants.

Si les opérateurs ont souvent recours à la justice pour faire plier leurs rivaux, un arrêt de la Cour de cassation risque de chambouler le marché de la téléphonie mobile. Free se prévaut d'une décision lui donnant gain de cause sur la contestation du principe du subventionnement de prix des terminaux pratiqué de longue date par les trois autres opérateurs.

Dénonçant cette subvention comme un crédit déguisé, Free avait poursuivi SFR puis essuyé deux revers successifs devant la justice, en première instance puis en appel, pour finalement obtenir gain de cause. "Par un arrêt rendu le 7 mars 2018 à la lumière de la législation européenne, la Cour de cassation a remis en cause la subvention de terminaux mobiles" se félicite le quatrième opérateur mobile.

Les règles du crédit s'appliquent aux facilités de paiement

La Cour estime dans sa décision que la réglementation du crédit s'applique "à l'opération consistant à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d'un abonnement souscrit pour un service associé". Elle fonde notamment sa décision sur le code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière d'une directive européenne de 2008.

Selon l'arrêt rendu, "la qualification d'opération de crédit, [.] s'entend, notamment, de toute facilité de paiement", ce qui, selon l'opérateur et la Cour, est le cas du paiement étalé sur 12 ou 24 mois du mobile accordé au consommateur souscrivant un forfait l'engageant sur la même période. La Cour ajoute que la société en cause (SFR) était "tenue d'appliquer les dispositions du code de la consommation s'imposant au professionnel qui accorde à ses clients une facilité de paiement".

Les contrats actuels finançant les mobiles sont-ils licites?

Cette décision aura pour première conséquence d'imposer à l'avenir aux opérateurs, pour leurs nouvelles offres, les contraintes d'information et de protection du consommateur relatives à l'octroi d'un crédit à la consommation lorsqu'ils subventionnent un téléphone mobile en le couplant avec un forfait. Ces contrats avec subvention ne sont plus majoritaires et de loin puisque les forfaits sans subvention du terminal représentaient déjà en 2016, les deux tiers des forfaits commercialisés, selon l'Arcep.

Mais pour Free, les conséquences de l'arrêt de la Cour valent aussi pour les contrats actuels. "La reconnaissance de la subvention comme un crédit à la consommation pourrait rendre nuls certains forfaits avec les conséquences qui en découlent" explique l'opérateur, pour qui ils ne seraient pas licites en l'état puisque ne respectant pas les règles des crédits à la consommation.

Prudence chez Bouygues Telecom vis-à-vis de la décision

Free estime à 17 millions d'abonnés engagés dans ce type de forfait. Ils pourraient potentiellement contester, sur le fondement du jugement de la Cour de cassation, leurs engagements en cours lorsqu'il y a eu subventionnement du terminal et... changer alors d'opérateur sans frais.

Pour Bouygues Telecom, "cette décision de la Cour de cassation concerne Free et SFR. Nous allons l'étudier pour évaluer s'il y a également des impacts" pour l'opérateur. L'association de consommateurs UFC-Que Choisir estime, elle, qu'elle "permettra d'y voir plus clair sur la question de l'information au consommateur concernant le coût éventuel". "Ce n'est pas le grand soir pour la subvention, cela aura une influence au cas par cas", nuance-t-on du côté de l'association, "si le prix du forfait est le même avec ou sans mobile, il n'y a pas de problème par exemple".

Frédéric Bergé