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La France prend (enfin) le virage de la 5G, mais les équipementiers restent dans le brouillard

L'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) a publié jeudi son cahier des charges concernant l'attribution des fréquences de la nouvelle technologie mobile 5G, dans un contexte d'intense lobbying de la part des opérateurs.

Mieux vaut tard que jamais. Avec plusieurs semaines de retard, l'Arcep s'est finalement décidée à lancer officiellement sa procédure d'attribution des fréquences de la nouvelle technologie mobile 5G en France.

Une nouvelle que les opérateurs attendaient avec impatience. Il faut dire que l'arrivée de la 5G, du fait des débits importants et du faible temps de réaction (latence) qu'elle promet, est supposée accélérer de manière significative la numérisation de l'économie et permettre, à terme, le développement de nouveaux services allant de la voiture autonome à la santé connectée en passant par une accélération de la robotisation de l'industrie, notamment.

La publication du cahier des charges de l'Arcep était prévue initialement début octobre, avec pour ambition d'attribuer officiellement les fréquences dès le début de l'année 2020. Cela devrait désormais intervenir seulement au début du printemps.

Les opérateurs divisés

"Les opérateurs n'ont pas répondu d'une voix commune, contrairement aux fois précédentes, ils sont partis divisés. La difficulté a sûrement été de trouver le bon équilibre", a expliqué à l'AFP une source proche du dossier.

Pour la première fois en effet, les opérateurs vont d'abord acquérir un bloc fixe chacun, puis enchérir sur la part des fréquences restantes, un modèle inhabituel comparé aux enchères précédentes ou même à ce qui s'est produit ailleurs en Europe.

Qu'à cela ne tienne, puisque l'enjeu est de taille: plus que pour les technologies précédentes, la possibilité d'offrir les services promis par la 5G repose avant tout sur la taille des blocs détenus par les opérateurs. Trop petits, et c'est le risque de ne pas pouvoir rivaliser avec les autres.

Très vite, deux camps se sont formés, Orange et SFR militant plutôt pour des blocs minimaux de 40 mégahertz (MHz) quand Bouygues Telecom et Free poussaient pour des blocs de 60 MHz.

"L'Arcep a proposé de retenir une taille de bloc de 60 MHz pour répondre à l'ensemble des orientations fixées par le gouvernement", mais ce dernier "a privilégié une taille de bloc de 50 MHz pour atteindre les objectifs qu'il a fixés", a expliqué jeudi le régulateur dans son communiqué.

Trouver le bon équilibre financier

Reste encore à savoir combien cela va coûter aux opérateurs. Parmi les pays européens où l'attribution des fréquences pour la 5G a déjà été réalisée, l'Italie et l'Allemagne sont ceux où ils ont déboursé le plus, au-delà de 6,5 milliards d'euros. 

"Il est indispensable de trouver le bon équilibre entre les enchères et la capacité d'investissement des opérateurs", insiste Arthur Dreyfuss, le président de la fédération française des télécoms (FFT), interrogé par l'AFP, "nous investissons déjà 10 milliards d'euros par an et nous devrons maintenir ces capacités d'investissement."

Le président de l'Arcep, Sébastien Soriano, a également prévenu dans un entretien accordé au Figaro que si le prix était trop élevé, "le risque" serait "que la bataille soit livrée entre deux opérateurs, et non par quatre, privant les plus petits (Bouygues Telecom et Free, NDLR) de leur capacité de participer aux enchères".

Le gouvernement devrait préciser le prix dans les tout prochains jours.

"On devrait être plus proche de 1,5 milliard que de 3 milliards d'euros", estime une source proche du dossier, qui relève notamment que Free, qui a dû fortement dépenser en Italie pour les fréquences 5G, a énormément milité en faveur d'un prix bas.

Au-delà de la question des blocs et du tarif, le cahier des charges de l'Arcep prévoit toute une série d'engagements de couverture pour les opérateurs.

Parmi les plus importants, Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR devront couvrir au moins deux villes chacun avant la fin de l'année 2020. Des échéances ont également été prévues pour la couverture des axes de circulation à moyen terme, ainsi qu'un débit minimal de 240 mégabits par seconde (Mbit/s) sur 75% des sites mobiles à l'horizon 2022.

Les équipementiers pas encore encadrés

Pas d'encadrement en revanche à ce stade des fournisseurs d'équipements, alors même que l'un des acteurs les plus avancés du secteur, le chinois Huawei, se révèle dans le collimateur aux États-Unis.

"Nous sommes toujours en attente de clarifications sur le sujet des équipementiers car elles sont indispensables au regard des enjeux et des investissements en cours et à venir", estime par ailleurs Arthur Dreyfuss.

Sur le papier, le gouvernement français a fait voter avant l'été une loi sur la sécurisation des réseaux qui doit permettre un contrôle accru des équipements qui seront utilisés. Mais les décrets d'applications n'ont toujours pas été publiés, forçant les opérateurs à retarder la commande de leurs équipements.

J.C-H avec AFP