BFM Business
Services

La tech européenne ne veut pas d'une taxe GAFA

-

- - -

Les patrons de 16 success stories européennes de la tech (Spotify, Booking, Rovio etc...) demandent à l'Europe de renoncer aux projets de taxe Gafa

L’Europe avait-elle oublié qu’elle avait elle aussi ses GAFA ? Personne n’a encore proposé d’acronyme pour Spotify, Zalando, Booking ou Rovio, et c’est bien pour qu’on ne les oublie pas que les championnes de la tech européennes décident de donner de la voix. Leur sujet d’inquiétude : la fiscalité, et les projets qui commencent à se multiplier en Europe sur une taxation du chiffre d’affaires des grandes plateformes américaines. Leur message : vous êtes en train de jouer avec le feu.

Le Financial Times a pu lire la lettre écrite aux 28 ministres des finances de l’Union Européenne par 16 patrons d’entreprises digitales européennes (Takeaway ou encore edreams s’ajoutent à liste citée plus haut). Ils leur demandent de renoncer purement et simplement au projet élaboré par la commission européenne d’une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires réalisé en Europe par les grandes sociétés technologiques, au motif qu’elle frapperait directement le secteur technologique européen : « cette taxe a été conçue pour toucher des sociétés immenses et très profitables, mais il faut réaliser qu’elle aurait un impact bien plus important sur les sociétés européennes, et renforcerait la distorsion de concurrence » écrivent-ils.

L'Europe prise au piège

Pour l’instant le projet avancé à Bruxelles est celui d’une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires réalisé en Europe de sociétés qui dépassent les 750 millions€ de chiffre d’affaires mondial dont 50 millions€ réalisé en Europe. Ces jeunes sociétés européennes estiment qu’elles seraient frappées de plein fouet puisque beaucoup d’entre elles font encore une grande partie de leur chiffre d’affaire exclusivement en Europe. « Nous avons encore besoin de la totalité de nos ressources pour continuer à croître, et nos profits sont intégralement réinvestis », écrivent les 16 PDG, « cette taxe priverait nos entreprises d’une source indispensable de capital pour mener la compétition à l’échelle mondiale ».

L’Europe semble bel et bien prise au piège, et cette lettre a sans doute le mérite de le révéler. La commission européenne ne veut pas d’une stigmatisation directe des puissantes plateformes américaines. Sa taxe se veut « universelle » et Pierre Moscovici, le commissaire aux affaires économiques, répète régulièrement qu’il ne vise personne en particulier. Les PDG de la tech européenne lui écrivent qu’il frapperait en fait ceux qu’il veut protéger.

Les Anglais n’ont plus les mêmes pudeurs. Le ministre des finances Philipp Hammond a en effet décrit hier une taxe britannique bien plus ciblée sur « les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les galeries marchandes en ligne », on ne saurait mieux désigner directement Google, Facebook et Amazon. Seule la dernière catégorie pourrait aujourd’hui avoir quelques dégâts collatéraux en Europe, et la taxe britannique semble épargner Apple. Bref, une sorte de compromis raisonnable. La taxe britannique serait de 2% et le trésor estime qu’elle rapporterait 400 millions£ par an d’ici 2022.

La faisabilité technique, pratique d’un tel impôt est encore en débat. Au cœur de l’Europe on sait que les allemands sont très réticents à tout ce qui pourrait être interprété comme un geste hostile vis-à-vis des Etats Unis, la taxe GAFA est donc encore loin d'être une réalité. Mais les 16 patrons de la tech européenne ont voulu prendre date : dans un match déjà très inégal face aux Etats-Unis, vues les tailles de marché, ils implorent les dirigeants européens de ne pas leur couper un bras