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Le nouveau pari de Devialet

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En décidant d’une nouvelle gamme d’enceintes moins chères, Devialet, icone de la French Tech, opère un virage stratégique

C’est une incontestable rupture stratégique qu’opère le nouveau management de Devialet en place depuis maintenant quelques mois. Alors que les fondateurs de celui qui se présente comme « le leader mondial du son haut de gamme » se positionnaient aux marges de l’univers du luxe (prix très élevés, réseau de distribution sous étroit contrôle, gamme réduite à quelques objets iconiques), Franck Lebouchard, directeur général depuis mars dernier, décide de casser les codes et de présenter une enceinte plus abordable dont le prix pourra descendre sous la barrière des 1000 euros. C’est une stratégie qui vise à passer de « quelques dizaines de milliers de ventes » à « quelques centaines de milliers de ventes », sans rien céder à la qualité « unique » du son Devialet, affirme la direction. Cette technologie brevetée dite « d’amplification hybride » (ADH) qui a valu à la firme française de nombreuses distinctions, des soutiens prestigieux jusqu’aux Etats-Unis et le privilège rare d’être distribuée dans les Apple Store, et même d’être exposée dans les musées new-yorkais.

Un pari sur la distribution

Les premiers tests diront si le pari est réussi en ce qui concerne les performances acoustiques, en tout cas, l’effet que nous avons pu tester reste spectaculaire et incontestablement sans équivalent. Le compromis n’est pas considérable, pas question pour Devialet de descendre son prix sur le standard des enceintes « haut de gamme » (autour des 300€), le nouveau modèle « Phantom Reactor » restera positionné autour des 1000€, avec des versions affichées de 990 à 1400€ (pour une puissance de 600 ou 900 watts) quand la « Phantom » originale démarrait à 1500€. La miniaturisation du produit a nécessité trois ans de travail aux ingénieurs de Devialet, qui a ouvert une nouvelle usine près de Fontainebleau. Pour l’instant le prix des amplificateurs, autre produit phare de la marque, n’évoluent pas, avec une gamme qui s’étend de 5.000 à 28.000€.

Mais c’est sur le réseau de distribution que la stratégie évolue radicalement. Ancien de Mc Kinsey, passé par Castorama et les cinémas Gaumont, Franck Lebouchard veut largement étendre les points de contact avec la clientèle et passer de 460 points de vente à plus d’un millier dans les six prochains mois. Les conditions : baisse de prix, et conditions d’écoute, de présentation, de démonstration moins exigeantes, « notre produit reste unique » assure le directeur général, « il n’y a pas d’équivalent sur le marché », manière d’assurer qu’il saura se défendre par lui-même.

C’est un risque réel. Depuis dix ans, Devialet avait réussi à créer une aura autour de la marque, s’inspirant ouvertement des codes d’Apple. L’entreprise ne communique plus de chiffres sur son activité, que ce soit sur ses ventes (60 millions€ de chiffre d’affaires 2016, dernier chiffre publié) ou sa rentabilité (l’objectif était de l’atteindre en 2017 et de doubler le chiffre d'affaires) il est donc difficile de savoir si cette stratégie était profitable, mais la mise en retrait du fondateur Quentin Sannié, qui a maintenant quitté toutes les fonctions opérationnelles, indiquait au moins que les actionnaires espéraient davantage de résultats. Quentin Sannié admettait d’ailleurs lui-même que l’entreprise n’avait pas toujours « fait les choix optimaux » dans la gestion de son hyper-croissance.

Quels partenariats ?

L’autre axe de développement de Devialet reste celui des partenariats. L’entreprise est régulièrement cité dans d’éventuels accords avec des constructeurs automobiles (Renault est actionnaire de l’entreprise : « un jour le son et l’image seront importants dans une voiture, cela fait partie de nos ambitions, mais cela prendra du temps » indique Franck Lebouchard). Les spécialistes qui suivent Iliad et l’arrivée de la nouvelle Freebox spéculent aussi régulièrement sur une éventuelle « barre de son » Devialet (un accord a été signé pour développer une box avec le groupe de télévision britannique Sky).

Créer une marque de luxe prend du temps et les fondateurs n’ont jamais été très clairs sur leur positionnement. Les actionnaires de Devialet ont choisi de faire quelques compromis, ouvrant le marché d’un son qui reste incomparable. Au moment de la nomination de Franck Lebouchard les analystes financiers avaient commencé à se pencher sur l’entreprise anticipant une entrée en bourse, que la direction n’avait pas démentie, précisant qu’elle voulait encore se donner du temps

Stephane Soumier