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Le pari gonflé de la start-up Eros pour révolutionner la prostitution

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Réseaux sociaux, géolocalisation, crypto-monnaies et blockchain. Voici les ingrédients d’Eros, un site en préparation qui ambitionne de devenir une plateforme mondiale de la prostitution. Les deux fondateurs financent leur projet en créant une monnaie virtuelle leur ayant déjà rapporté 5 millions de dollars.

Si la prostitution est légale dans certains pays, le proxénétisme est puni partout comme un crime. Ces règles valent-elles dans le monde virtuel? Pas pour Michael O’Brien et Kevin Yang, deux jeunes Californiens qui préparent le lancement d'Eros. Ce site de prostitution, repéré par Usbek et Rica, veut devenir un "openbazaar du sexe" en utilisant les recettes d’Uber, d’Amazon et d’eBay, en "disruptant le plus vieux métier du monde" pour le "réinventer", comme ses fondateurs l'annoncent sur leur site.

Blockchain et crypto-monnaies

Pour cela, la plateforme utilise tout le potentiel offert par les technologies: le web, la géolocalisation et les crypto-monnaies. Et, grâce à la blockchain, la plateforme sera anonyme, sécurisée et sans intermédiaire ce qui, pour Michael O’Brien et Kevin Yang, supprime la dimension de proxénétisme. D’autant que pour éviter d'éventuelles poursuites, ils ne comptent pas se rémunérer en prenant une commission sur les prestations tarifées.

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Leur modèle économique repose sur les crypto-monnaies qui permettront de payer les prestations en Bitcoin, en Ethereum (ETH), mais aussi en Eros (ERS) qu'ils viennent de créer. Mi-juillet, ils ont lancé un ICO (Initial Coin Offering). Cette opération permet aux investisseurs d’acheter une monnaie virtuelle avant sa création. En trois jours, ils ont vendu pour 4,9 millions de dollars d’Eros. La levée sera clôturée le 23 juillet et devrait atteindre sans difficulté son objectif de réunir 5 millions de dollars.

Ce n’est que la première étape de la roadmap qui est publiée sur le site. Le projet se poursuivra avec le lancement d'une version bêta le 23 août. La version publique sera lancée le 23 septembre. Et fin décembre, ils comptent réunir 100.000 utilisateurs "actifs" par mois.

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Un réseau mondial de prostitution 2.0

Tout semble bien ficelé pour que les fondateurs ne soient pas inquiétés par la justice. Mais les autorités américaines ont déjà eu affaire à ce type de plateforme. En 2016, Carl Ferrer, le patron de Backpage.com, un site dédié aux escort girls, a été mis en examen pour proxénétisme. La police a également interpellé Michael Lacey et James Larkin, les actionnaires de la plateforme. Le site, qui a été fermé, se rémunérait en faisant payer les annonces mises en ligne. En Europe, Ohlala, un site allemand, s’est lancé en 2015, mais n’a jamais pu, comme ses fondateurs l’espéraient, se développer au-delà de l’Allemagne, par crainte d’être poursuivi.

Mais il sera difficile pour les autorités de bloquer l'accès à Eros. Et pour cause: le site compte s’installer sur le ZeroNet, un réseau Open Source intraçable et incensurable parce que fonctionnant sans serveurs, comme le DarkNet. Un choix qui, comme le précisent les deux associés, ne permettra à personne, ni à "un gouvernement", ni à "une autorité religieuse", de "censurer, d'interdire ou fermer" la plateforme. Elle sera accessible sur toute la planète même "dans un pays ultra-conservateur comme l’Iran".

En revanche, le service restera très conventionnel en termes de sexualité. Il n’acceptera que les escort féminines pour des prestations hétérosexuelles. Sur le blog d’Eros, Kevin Yang explique que ce choix est purement pragmatique: "Les femmes représentent la plus grande base de travailleurs sexuels".

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S'il est controversé, le projet ne manque pas d'audace, mais verra-t-il vraiment le jour? Plusieurs sites doutent déjà de la réalité du projet. Michael O’Brien et Kevin Yang, qui s’affichent comme des professionnels de l’Internet, sont presque des inconnus. Le premier affiche sur son compte LinkedIn un passage chez Cisco. Sur GitHub, le second ne dévoile que ses compétences de développeur.

Les deux associés veulent-ils réaliser une importante levée avant de disparaître dans la nature? Réponse le 23 août pour le lancement de la bêta d’Eros.

Pascal Samama