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Le Royaume-Uni exclut Huawei de ses réseaux télécoms

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Huawei - DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Non seulement les opérateurs ne pourront pas se fournir en équipements 5G auprès du géant chinois mais ils devront retirer tous les équipements déjà installés d'ici 2027.

C'est officiel et c'est une victoire pour Donald Trump qui appelle ses alliés à boycotter Huawei accusé d'espionnage. Le gouvernement britannique a annoncé mardi qu'il allait exclure le géant chinois des équipements télécoms Huawei de son réseau 5G en raison d'un risque pour la sécurité du Royaume-Uni.

L'achat de nouveaux équipements Huawei sera interdit dès la fin de cette année. Dans le même temps, et c'est la décision la plus lourde pour les acteurs de la filière, les équipements existants devront être retirés d'ici à 2027, a déclaré le ministre chargé de la Culture et du Numérique, Oliver Dowden, à la chambre des Communes à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale (NSC) présidée par le Premier ministre conservateur Boris Johnson. 

Huawei juge son exclusion du réseau 5G britannique "politisée" et "décevante". "Cette décision décevante est une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui ont un téléphone mobile au Royaume-Uni, elle risque de ralentir l'avancée digitale du pays, d'augmenter les factures et d'accroître la fracture numérique", a souligné un porte-parole du géant chinois des télécommunications, jugeant "regrettable que notre futur au Royaume-Uni ait été politisé, à cause de la politique commerciale américaine et non pour des raisons de sécurité".

Cette officialisation du boycott du géant chinois est une mauvaise nouvelle pour les opérateurs télécoms du pays. Le patron de BT a ainsi estimé lundi qu'il était "impossible" d'atteindre l'objectif de retirer tous les équipements Huawei en moins de dix ans.

Les opérateurs britanniques vent debout

"Si on veut n'avoir aucun élément de Huawei dans toute l'infrastructure des télécoms à travers le Royaume-Uni, je pense que c'est impossible à faire en moins de 10 ans", explique-t-il, rappelant que le géant chinois faisait partie des infrastructures télécoms britanniques depuis près de 20 ans, étant "un gros fournisseur de BT et d'autres opérateurs au Royaume-Uni".

Philip Jansen a aussi averti de "pannes" et problèmes de sécurité.

Rappelons qu'enn France, l'Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques (Anssi) a indiqué que Huawei ne fera pas l'objet d'un "bannissement total". Les opérateurs partenaires du groupe chinois recevront néanmoins des autorisations d'exploitation limitées à huit ans. 

Les opérateurs s'inquiètent de devoir changer d'équipementier, ou même démonter leurs anciens équipements en cas d'incompatibilité. Ils ont prévenu qu'ils demanderont une compensation si l'Etat barre la route au groupe chinois. "Ca fait 10 ans que Huawei est utilisé en France, ça fait près de 10 ans que Huawei est utilisé dans quasiment toutes les capitales européennes", expliquait en décembre dernier sur BFM Business Arthur Dreyfuss, à l'époque président de la Fédération française des télécoms (FFT) et secrétaire général d’Altice, devenu depuis directeur général d'Altice Media France.

Compensation

"Si demain, Huawei était amené à être interdit sur tout ou partie du territoire, il faut bien que chacun ait conscience des retards considérables que nous prendrions dans les déploiements. Ça serait un retard considérable pour les territoires, pour les entreprises françaises, pour la transformation numérique. Cela aurait un coût".

Et de prévenir: "que les règles changent, soit. Mais chacun devra alors y prendre sa part, opérationnellement, financièrement. C'est à vrai dire le cas aux Etats-Unis. Ils ont pris des positions radicales contre des équipementiers mais il accompagnent ceux qui auraient à en pâtir".

Orange, le premier opérateur français, n'utilise pas en France les équipements du géant chinois, ni pour la 4G, ni pour la 5G. Ce qui n'empêche pas son patron Stéphane Richard de défendre Huawei, attendant toujours de voir ses fameuses preuves jamais présentées par les américains.

"Je serais intéressé qu'on nous les montre les preuves", soulignait ainsi le patron d'Orange sur BFM Business en février dernier. "Il y a très peu d'équipementiers, il y en a trois de rang mondial. Huawei représente un peu plus d'un tiers du marché mondial. Si on commence à dire, celui-là on va l'exclure, on se retrouve en face de deux entreprises. (...) Si on considère que 3 entreprises c'est trop pour faire face à nos besoins, qu'on me l'explique. Huawei est un grand acteur, c'est un acteur qui a investi considérablement en R&D depuis des années, il investit d'avantage que tous les autres réunis".

18 mois de retard à prévoir en cas de boycott

Les craintes en matière de retard de déploiement sont en tout cas confirmées par une étude de la GSMA, un groupement d’industriels qui regroupe la plupart des opérateurs et des fabricants de mobiles de la planète. Si Huawei est boycotté sur le Vieux continent, les déploiements prendront 18 mois de retard, peut-on lire.

"Nous estimons qu'une interdiction pourrait élargir l'écart sur la 5G entre l'Europe et les Etats-Unis de 15 points d'ici à 2025", estiment les auteurs de la note.

Selon eux, 25% de la population européenne serait couverte en 5G en 2025 en cas d'interdiction, contre 40% sans interdiction, alors qu'environ 55% de la population américaine disposera de la 5G à la même date.

Olivier Chicheportiche avec AFP