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Le secteur technologique français résiste à la crise, le capital-risque en profite

"Les gens doivent se rendre compte que la visibilité économique est nulle", nuance François Véron. "On n'a jamais vu un coup de frein aussi brutal dans le capitalisme!".

"Les gens doivent se rendre compte que la visibilité économique est nulle", nuance François Véron. "On n'a jamais vu un coup de frein aussi brutal dans le capitalisme!". - Pixabay

Depuis le début de la crise, l'économie traditionnelle a cherché à s'appuyer sur le numérique pour sauver les meubles. De quoi maintenir l'activité de beaucoup de start-up et donc celle du capital-risque.

Transfert de l'activité vers les ventes en ligne, maintien de la relation client, marketing en ligne... Le commerce traditionnel, à l'arrêt pour cause de confinement, a multiplié les initiatives pour limiter les dégâts en s'appuyant sur des outils numériques. De quoi créer de nombreuses opportunités pour les start-up spécialisées françaises même si leur activité globale s'est repliée.

Exemple chez Arenametrix, une start-up qui commercialise un outil de gestion de la relation clients dans le spectacle ou le sport sinistrés en temps de confinement. "Tous ses clients", musées, clubs de foot, etc. "ont fermé leurs portes pendant le confinement", mais "ils veulent continuer à garder le contact avec leurs fans" grâce aux outils numériques, explique François Véron, gestionnaire du fonds d'investissement Newfund qui possède la jeune pouce dans son portefeuille.

Diagnostic similaire chez Matthieu Lattes, qui représente à Paris le fonds de capital-risque américain White Star Capital. "Même dans les secteurs économiques qui souffrent le plus, nos entreprises ont des modèles résilients", affirme-t-il.

Le secteur de la tech grand gagnant de la crise

Du coup, les investissements en capital risque vers le secteur technologique se maintiennent malgré la crise généralisée. "C'est devenu une banalité de dire que la tech va être l'un des grands vainqueurs" de cette crise du coronavirus, estime Vincent Lévita, le patron d'InfraVia, qui vient de rassembler 270 millions d'euros auprès d'institutionnels pour investir des tickets de 10 à 50 millions d'euros dans des start-up déjà confirmées, cherchant à accélérer leur croissance.

Tout comme les levées de fonds que continuent à préparer les start-up, même si les difficultés à organiser des rendez-vous physiques entre les patrons de start-up et les fonds compliquent le processus.

"On a un 'deal flow' (flux de propositions d'investissement) assez actif", poursuit Vincent Levita. InfraVia Growth Fund, son nouveau fonds de 270 millions d'euros, devrait pouvoir annoncer son premier investissement dès l'été si le déconfinement se passe au mieux, à la rentrée si les rendez-vous professionnels en chair et en os restent compliqués encore quelque temps.

Bien sûr "les négociations sont plus difficiles" pour les start-up aujourd'hui, selon lui. "Une bonne start-up il y a trois mois claquait des doigts" pour demander des investisseurs "et avait 12 propositions, avec tout le monde grimpant au cocotier", ironise-t-il.

Les investisseurs ne sont pas refroidis

"Evidemment il y a un ralentissement temporaire" des opérations de financement de start-up, note Matthieu Lattes. Mais celui-ci ne craint pas que la crise amène à un désintérêt du capital risque de la part des investisseurs.

Dans la période actuelle, "on est en train de se rendre compte que pour des investisseurs institutionnels qui peuvent allouer entre la Bourse, l'immobilier et le capital-risque, l'investissement dans la technologie est assez résilient", affirme-t-il. "On va plus assister à un décalage de six mois des opérations" qu'à une vraie baisse du capital risque, prévoit-il.

Du côté de l'activité globale des start-up et des entreprises numériques, le bilan est néanmoins contrasté. Newfund, s'est livré à une enquête systématique sur les conséquences de la crise auprès de plus de 80 start-up de son portefeuille.

Numérique: une baisse anticipée de 25% du chiffre d'affaires au 2e trimestre

En avril, 58% de ces sociétés conservaient des ventes restant supérieures à 50% de leur activité normale, se rassure-t-il. Globalement, les start-up du portefeuille Newfund "sont touchées, s'attendent à voir trois mois de croissance annulée par rapport à ce qu'elles attendaient, mais ne s'attendent pas à une perte massive dans leur fond de commerce", résume le gestionnaire, qui s'avoue "tendu", mais pas "angoissé" sur l'évolution à venir du portefeuille dont il est responsable.

Syntec Numérique, organisation professionnelle des acteurs du numérique, a interrogé de son côté pour la deuxième fois ce mois-ci les entreprises du secteur (start-up, TPE, PME, ETI et grands groupes) sur leurs performances économiques et organisationnelles.

81% des chefs d’entreprise interrogés anticipent une baisse de chiffre d’affaires de 25,1% sur le deuxième trimestre 2020 (contre -22,9% lors de la première étude), mais se concentre sur l’avenir avec 7 chefs d’entreprise sur 10 ayant déjà réfléchi à un plan de reprise d’activité. Plus d’un chef d’entreprise sur deux estime toutefois que le redémarrage de l’activité sera progressif et étalé sur plusieurs mois (septembre/décembre 2020).

Cette estimation s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, par la suspension ou l’annulation de projets démarrés pré-Covid: seuls 60% des projets sont maintenus actuellement pour les entreprises du numérique. D’autre part, les prévisions de prise de commande d’avril à juin 2020 seront en baisse en raison de la pandémie pour 95% des répondants.

Olivier Chicheportiche avec AFP