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L'attribution des licences 5G reportée finalement au printemps 2020

Il y a de la friture entre le régulateur des télécoms et le gouvernement. Prévues au début de l'année prochaine, ces enchères stratégiques sont repoussées de trois mois. Le gouvernement serait-il tenté de demander plus aux opérateurs quitte à sacrifier la vitesse de couverture?

La France va-t-elle perdre un temps précieux dans les déploiements 5G et son lancement commercial? En tout cas, la procédure d'attribution par enchères des futures fréquences mobiles 5G, initialement programmée début 2020 (après un appel d'offres en fin d'année), va être repoussée en France "au début du printemps", a-t-on appris mardi auprès du ministère de l'Economie et des Finances. C'est-à-dire au mieux le 20 mars prochain. 

Il semblerait que le gouvernement et l'Arcep (le régulateur des télécoms) ne parviennent pas à s'entendre sur des points cruciaux que sont le prix et la taille du spectre de fréquences attribuées. La cadre proposé par le régulateur semble coincer du côté de la CPT (la Commission des participations) qui doit le valider.

"Ça ne devrait plus tarder, mais c’est quand on entre dans les derniers détails de la procédure que les difficultés apparaissent", avance une source citée par Reuters. Ce décalage "ne remet pas en cause les objectifs de déploiement" de la 5G pour l'an prochain, assure-t-on néanmoins à Bercy.

Un report qui n'arrange pas les opérateurs télécoms, à savoir Orange, Bouygues, SFR (appartenant au groupe Altice, propriétaire notamment de BFM Business) et Free. Leurs marges sont sous pression, alors qu'ils font face à de lourds investissements (5G mais aussi fibre optique et 4G). D'autant que certains exemples étrangers leurs donnent des sueurs froides, notamment l'Italie et l'Allemagne, où ces enchères ont allègrement dépassé les 6,5 milliards d'euros.

L'Etat plus gourmand?

Sur ce point, Bercy s'est voulu rassurant. Le ministère assurait il y a encore peu que le montant demandé par l'Etat "devrait être proche de 1,5/2 milliards d'euros". L'idée était de laisser de la marge aux opérateurs pour assurer une couverture rapide du territoire.

Mais avec des dépenses de 17 milliards consentis pour calmer la crise des gilets jaunes, la réforme de la retraite, les baisses de charge, l'Etat serait tenté de demander plus aux opérateurs, d'où le blocage avec l'Arcep qui souhaite une certaine modération pour préserver les investissements en infrastructures.

Selon Stéphane Dubreuil, président de Stallych Consulting, invité sur le plateau d'Inside sur BFM Business, "je pense qu'on va être à 4 (milliards), le double de ce qui était prévu en fait". Ce qui pourrait remettre en question la vitesse de déploiement. Et selon ce spécialiste des télécoms, le retard pris ne sera pas de 3 mois mais plutôt de six...

Rappelons que le dispositif prévoit que quatre blocs identiques de 40, 50 ou 60 mégahertz seront proposés à un prix fixe, encore inconnu mais censé être abordable, afin de permettre à tous les acteurs de repartir avec un peu de spectre. Ensuite, on retrouvera le dispositif classique des enchères sur des blocs de 10 Mhz avec un prix de réserve qui n’a donc pas encore été fixé. Mais afin d’éviter des déséquilibres entre les acteurs, un opérateur ne pourra pas s’offrir plus de 100 Mhz sur un total de 310 Mhz mis en jeu. Les fréquences seront attribuées pour 15 ans.

Couverture des deux tiers de la population en 2025

Selon le schéma présenté par l'Arcep, chaque opérateur devrait proposer une offre 5G dans deux villes françaises avant la fin de 2020. La montée en puissance sera ensuite progressive, avec l'objectif d'atteindre une couverture des deux tiers de la population à fin 2025.

Malgré ce report, il s'agira de tenir l'objectif d'un lancement commercial en 2020, de quoi permettre à la France de se situer dans le peloton européen de la 5G. Mais il y a bien un risque de décrochage.

"Parmi les pays européens, le plus avancé est le Royaume-Uni. Il développe la 5G depuis mai 2019 à destination de nombreux marchés tels que l’automobile et l’industrie, les médias et loisirs et l’e-santé, la sécurité publique et le tourisme" indique l’Idate un think-thank français sur le numérique. 

"L’Espagne prend la deuxième place du classement et déploie la technologie 5G vers les marchés de l’agriculture ou de la logistique. En Allemagne, si la date officielle de lancement de la 5G n’est pas encore définie, le pays choisit de concentrer ses innovations sur les secteurs de l’e-santé et des médias", peut-on lire, et se classe troisième sur le Vieux continent.

"La France et l’Italie se suivent de près et devraient rattraper leur retard rapidement après avoir attribué des licences 5G, comme cela est déjà le cas en Allemagne ou au Royaume-Uni", conclut l'Idate.

Olivier Chicheportiche