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Orange domine toujours outrageusement le marché de la fibre optique pour les entreprises

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- - FRED TANNEAU / AFP

Le régulateur des télécoms s'émeut une nouvelle fois du poids de l'opérateur historique sur le marché B2B. Ses tentatives pour fluidifier la concurrence sont pour le moment des échecs.

Les années passent et la situation n'évolue guère. Encore une fois, l'Arcep, le régulateur des télécoms, épingle le poids d'Orange sur le marché des télécoms d'entreprise et notamment sur celui ô combien stratégique de la fibre optique, principal levier de leur transformation numérique. 

Orange "doit faire de la place aux concurrents", a estimé Sébastien Soriano, le président de l'autorité, dans un entretien aux Echos publié ce mercredi, autorité qui se dit "extrêmement préoccupée par le poids très fort d'Orange" sur le marché des télécoms d'entreprise.

"Tous les signaux laissent penser qu'Orange construit son avenir sur une hypothèse de domination. Ce n'est pas acceptable", a-t-il ajouté.

Seulement une PME sur 4 équipées d'une connexion fibre

Orange détient 63% du marché des TPE de moins de 50 salariés, 62% de celui des PME de moins de 500 salariés et 55% de celui des entreprises de taille intermédiaire, selon le président de l'Arcep, qui cite un sondage de 2019. 

Et pourtant, seulement 23% des entreprises de 1 à 249 salariés en France sont équipés d'une connexion fibre optique, selon une enquête menée en mai 2019 par l’Ifop pour Covage. Une performance encore trop faible, et encore plus si on considère les TPE de 1 à 5 salariés où ce taux ne dépasse pas les 20%.

Le gâteau est pourtant imposant : le marché B2B des télécoms est évalué à près de 11 milliards d'euros mais il échappe en grande partie aux 'petits' opérateurs à cause, pour certains acteurs, des conditions et des tarifs de gros imposés par Orange à ses clients opérateurs qui souhaitent emprunter son réseau, étape quasi-obligatoire même pour ceux qui déploient leurs propres réseaux.

Certes, les opérateurs nationaux comme Bouygues Telecom et SFR (filiale d'Altice, propriétaire de BFM Business) multiplient les initiatives à coups de rachats d’opérateurs spécialisés. Les "petits" acteurs montent en puissance. Mais ça ne suffit pas. Pour faire évoluer ce marché des entreprises, le régulateur essaye de sortir du terrain de l'incantation mais sans trop de résultats.

L'échec Kosc

En 2017/2018, il a ainsi mis en place un certain nombre de mesures pour animer la concurrence en contraignant Orange via des offres dédiées pensées pour les PME (tarifs abordables, garantie de rétablissement mais fibre mutualisée) et en faisant émerger un troisième acteur national: Kosc, opérateur de gros revendant des accès à d'autres opérateurs.

Cette régulation par la concurrence n’a pas eu les effets escomptés. Kosc par exemple n'est pas parvenu à atteindre un rythme de croisière, a accumulé des difficultés financières qui ont débouché sur une vente pure et simple à Altitude Télécom, une vente bouclée récemment.

Aujourd'hui, l'Arcep dans le cadre de son projet d’évolution de la régulation pour 2021-2023, souhaite notamment accélérer le recours à la fibre mutualisée, destinée aux particuliers mais qui peut aussi être utilisée par les professionnels via des services additionnels comme la garantie de reprise après une panne. Il veut imposer à Orange de "beaucoup mieux ouvrir sa fibre mutualisée à d'autres acteurs".

Nouvelle régulation

"Il s’agit de démocratiser la fibre optique pour les PME, à la fois en permettant des offres moins onéreuses, et en diversifiant l’éventail de qualité de service pouvant être offert. (...) Elle retient également d’imposer sur l’ensemble des réseaux FttH (fibre optique jusqu'au domicile, NDLR) la mise en place d’offres passives avec qualité de service renforcée (garanties de temps de rétablissement de 10h et 4h), pour garantir à chaque entreprise, quelle que soit sa localisation sur le territoire, la disponibilité d’une offre sur fibre adaptée à ses besoins".

Face à ces régulières critiques, Orange s'était défendu arguant que sa position sur le haut du marché était proche de celle de SFR. Il avait justifié sa position dominante sur le bas du marché par les "efforts" du groupe pour être présent sur ce segment "stratégique".

"Nous estimons simplement qu’Orange empêche à la concurrence de s’exercer sur le marché entreprise et multiplie les actions pour freiner la pénétration commerciale de ses concurrents", estime de son côté David Marciano, président de l’association AOTA qui regroupe plusieurs dizaines d'opérateurs télécoms alternatifs.

Olivier Chicheportiche