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Paiement mobile : Google Pay débarque en France mais le défi sera compliqué à relever

Le logo de Google.

Le logo de Google. - AFP

La solution du géant américain arrive après Apple et Samsung et sans le soutien d’un grand réseau bancaire. Par ailleurs, payer depuis un smartphone est loin d’être adopté par les Français qui préfèrent largement les cartes NFC.

Un nouvel acteur de poids entre dans la danse du paiement mobile en France. Google Pay est en effet disponible depuis ce mardi pour les utilisateurs de smartphones sous Android. L’idée : payer chez les commerçants en approchant simplement son mobile du terminal de paiement grâce à la technologie sans-fil NFC, ou encore payer sur Internet. Au-dessus de 30 euros d’achat, un code de validation sera demandé, aucun plafond n’est fixé.

« De manière générale, votre smartphone devrait mieux vous accompagner dans vos achats au quotidien », souligne le géant de Mountain View sur son blog officiel.

On imagine bien que les ambitions de Google sont fortes, d’autant plus que les smartphones Android (un système conçu par Google) détiennent une part de marché supérieure à 75% en France et dans le monde.

Pour autant, le défi sera très difficile à relever pour la firme (qui s’y emploie en vain depuis 2011 avec plusieurs solutions successives qui n'ont pas eu le succès escompté).

Et ce pour plusieurs raisons. D’abord, Google Pay arrive après la bataille. Samsung et Apple ont déjà lancé leurs solutions dans l’hexagone depuis maintenant plusieurs mois voire plusieurs années (Samsung Pay, Apple Pay), sans oublier les solutions comme PayLib et LyftPay.

Surtout, Google Pay se lance sans le soutien d’un ou plusieurs réseaux bancaires nationaux. Rappelons que pour fonctionner, le paiement mobile exige au départ d’ajouter via l’application sa carte bancaire. Or, la solution de Google n’est disponible qu’auprès des clients de Boursorama, de N26 et de Revolut. Pas lourd.

Freins

A titre de comparaison, Samsung Pay s’est lancé avec le groupement Caisses d’Epargne/Banques Populaires tandis qu’Apple Pay a signé des partenariats avec 13 banques françaises. Google va devoir convaincre (les discussions sont en cours, dit-on), ce qui semble encore un peu compliqué pour lui.

Les banques semblent vouloir privilégier leurs propres solutions, PayLib a ainsi été lancé par la Société Générale, BNP Paribas et la Banque Poste et d’autres banques vont suivre.

« Les banques françaises ont toujours été dans une posture plus défensive en favorisant Paylib et LyfPay. Au final, cela permettra aux nouveaux entrants comme N26 ou Revolut de se différentier davantage. Au moment du lancement d’Apple Pay, les banques ne se sont pas précipitées et depuis que BPCE a ouvert la brèche, les autres banques ont suivi », nuance néanmoins Thomas Husson du cabinet Forrester.

On peut également évoquer les questions de confidentialité toujours sensibles quand il s’agit de Google qui propose son service gratuitement. Et si c’est gratuit, c’est vous le produit (notamment les données personnelles exploitées pour de la publicité ciblée, que les banques n’ont pas vraiment envie de partager).

Google tente d’éteindre la polémique : « Vos informations de paiement sont chiffrées, protégées avec Google. Lorsque vous effectuez un achat en magasin, Google Pay utilise un numéro de carte virtuel propre à votre appareil ainsi qu’un code de transaction unique. Pour assurer la sécurité de vos paiements en ligne, nous avons également noué des partenariats avec de nombreuses plates-formes de paiement et processeurs. Enfin, vos données sont les vôtres : vous avez le contrôle de vos informations au sein de l’application et du site Google Pay ».

Mais ces freins sont finalement assez mineurs si on les compare à un problème central qui touche finalement tous ces acteurs : le manque d’appétence des Français pour ce type de solutions. Non pas que la technologie effraie, mais les consommateurs privilégient nettement les cartes bancaires NFC, massivement généralisées (66% du parc actif) et utilisées, qui permettent de payer de la même façon chez les commerçants.

Selon une récente étude, on constate une augmentation de 156% des transactions en sans contact depuis une carte d'une année sur l'autre en France, à plus de 100 millions. Pour le NFC depuis un smartphone, les chiffres sont rares mais selon les observateurs spécialisés, le volume est encore anecdotique.

La carte NFC fait le job

« En France, les consommateurs et les commerçants sont de plus en plus sensibles à la facilité du paiement sans contact auquel ils accordent leur confiance comme dans le paiement avec contact. Les modes de vie évoluent et avec eux l’exigence de rapidité, praticité et sécurité. L’adoption du sans contact s’impose donc comme un geste naturel répondant à ces exigences », commente Solveig Honoré Hatton, Directrice générale Mastercard France.

Cette « concurrence » des cartes NFC n’est pas qu’un phénomène français. Une étude du cabinet américain Auriemma de décembre 2017 évalue à seulement 4% la proportion de porteurs de carte bancaire aux États-Unis et au Royaume-Uni ayant déjà utilisé Android Pay.

« Cela dit, et en comparaison d’autres pays, les usages sont encore naissants pour les wallets mobiles donc il n’y pas de position définitive loin de là. Tout l’enjeu est d’offrir des services avant, pendant et après la transaction. Les acteurs qui arriveront à délivrer de la valeur simultanément aux consommateurs et aux marchands, sont ceux qui au final sortiront du lot. La bataille ne fait que commencer et il n’y a pas de doute que les solutions de wallet mobile vont se développer significativement, comme cela s’est passé en Chine avec AliPay et WeChat Pay, qui sont d’ailleurs déjà établis en France pour servir les touristes chinois…pour l’instant », analyse Thomas Husson.

Google (et ses concurrents) ont en effet quelques atouts qui pourront faire à terme la différence. Leurs solutions permettent d’effectuer des paiements dans les applications mobiles ou dans leurs boutiques de produits et de contenus (App Store, Google Play…) et chez des e-commerçants partenaires.

Ensuite, on a toujours son smartphone sur soi, plus même que sa carte de paiement. La sécurité est même supérieure à celle d'une carte, notamment grâce aux dispositifs biométriques des smartphones et les plates-formes embarquent tous les services d'une carte.

Enfin, contrairement aux cartes NFC, on peut dépasser le plafond des 30 euros, c'est un argument de poids. Mais il faut encore que cette information soit connue des commerçants et des consommateurs. Une période d’apprentissage est donc nécessaire mais pour les observateurs de ce marché, les usages devraient exploser une fois cette période passée.

Olivier CHICHEPORTICHE