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French Tech: en pleine crise, Criteo voit son chiffre d'affaires reculer en 2019

Le spécialiste français du ciblage publicitaire est menacé par la volonté des géants du net qui souhaitent supprimer les cookies, ces fichiers qui permettent de tracer les internautes sur le Web. L'année 2020 s'annonce encore compliquée…

Le groupe français de ciblage publicitaire sur internet Criteo, dont le modèle est menacé par les limitations croissantes apportées au traçage des internautes, a accusé l'an dernier un recul historique de son chiffre d'affaires et s'attend à une chute encore plus prononcée cette année.

S'il réussit à rester bénéficiaire (son bénéfice net a progressé de 2% l'an dernier, à 91 millions de dollars), le groupe voit son chiffre d'affaires et ses revenus ex-TAC (hors reversement aux partenaires) s'inscrire pour la première fois dans le rouge sur un an depuis son introduction en 2013 sur le grand marché à coloration technologique Nasdaq à New York.

La société emblématique de la "French Tech" avait prévenu octobre qu'elle allait connaître une "année blanche" en 2019, et ces deux indicateurs, en baisse de 2% à respectivement 2,3 milliards et 947 millions d'euros, restent conformes, voire légèrement supérieurs, aux attentes des analystes. Ils sont restés stables à taux de change constant.

Chute des revenus en 2020

L'excédent brut d'exploitation (Ebitda) se replie en revanche de 7% sur un an (3% à taux de change constant), "malgré des efforts pour mieux maîtriser les coûts", tandis que les flux de trésorerie disponible chutent de 8%, note l'entreprise dans un communiqué.

Pour 2020, Criteo prévoit une chute d'environ 10% de ses revenus ex-TAC à taux de change constant et une réduction de 9% à 10% dès le premier trimestre. Un sérieux coup de frein provoqué par l'attrition des investissements des clients, notamment les plus gros, et plus généralement l'effritement du modèle économique du groupe.

L'activité principale de Criteo est le "reciblage publicitaire", qui consiste à suivre la navigation d'un internaute sur le web de sorte à lui proposer de la publicité pour des produits sur lesquels il s'est renseigné mais qu'il n'a pas acheté.

Google après Mozilla et Apple

Or, les possibilités de pistage sur internet sont aujourd'hui limitées à la fois par des législations qui imposent que l'internaute consente à l'utilisation publicitaire de ses informations personnelles, mais également par le blocage par les navigateurs internet des +cookies tiers+, des petits traceurs installés automatiquement sur l'appareil d'un internaute par les partenaires d'un site internet.

En janvier, le navigateur leader du marché Google Chrome annonçait se donner deux ans pour s'aligner sur ses concurrents Firefox (Mozilla) et Safari (Apple) qui avaient déjà banni, sans sursis, cette pratique.

"Les restrictions sur le ciblage publicitaire et l'application plus stricte des règles sur la vie privée" coûteront à Criteo 7 points de croissance en 2020, a développé le directeur financier du groupe Benoît Fouilland lors d'une conférence téléphonique avec des analystes.

L'action Criteo a perdu 75% de sa valeur depuis mai 2017, son dernier grand pic avant les premières annonces de restriction des cookies, sur les appareils mobiles d'Apple. Sa valorisation passait après l'annonce de Google sous la barre du milliard de dollars. Mardi à 16H30, le titre perdait 4% à 14,41 dollars.

Pour limiter les coûts, Benoît Fouilland a également annoncé lors de la conférence avoir fermé au quatrième trimestre une antenne de son centre de recherche et développement sur l'intelligence artificielle installée en 2018 à Palo Alto en Californie.

"Il sera difficile de redresser notre entreprise"

La nouvelle directrice générale Megan Clarken, qui a pris les rênes du groupe en octobre en remplacement du fondateur Jean-Baptiste Rudelle, resté président du conseil d'administration, a pour sa part dressé une liste des "défis que l'entreprise va devoir affronter", jugeant qu'ils n'étaient pas "insurmontables".

Criteo va notamment devoir réduire son exposition aux "cookies", a-t-elle expliqué, affirmant que le groupe avait développé des solutions permettant de remplacer les "cookies" tiers, mais également qu'il utilisait des identifiants persistants (créés par exemple à partir d'adresses email) pour 95% de ses quelque deux milliards de profils.

Le groupe doit également continuer d'innover dans de nouveaux produits sur d'autres supports (mobile, TV connectée) et mieux travailler avec les agences de communication, a-t-elle évoqué.

"Nous sommes conscients du fait qu'il sera difficile de redresser notre entreprise et que cela ne se fera pas du jour au lendemain", a ajouté Megan Clarken.

TL, avec l'AFP