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"Safety fun game": le jeu de la dénonciation fait polémique chez Amazon

Les salariés d'Amazon de Douai ont trouvé des bulletins "Faux pas", afin de dénoncer les responsables qui ne respectent pas les règles de sécurité. "Have fun !".

Les salariés d'Amazon de Douai ont trouvé des bulletins "Faux pas", afin de dénoncer les responsables qui ne respectent pas les règles de sécurité. "Have fun !". - Denys Charlet - AFP

Les salariés de l'entrepôt Amazon de Lauwin-Planque (Nord) n'ont pas apprécié le jeu proposé par leur direction, qui les incite à dénoncer les responsables qui manquent de rigueur sur la sécurité des équipes. Alors que les syndicats dénoncent cette pratique, la direction se défend d'avoir des arrières-pensées.

La direction de l'entrepôt Amazon de Lauwin-Planque (Nord) a lancé un "jeu" très controversé à l'approche des fêtes: les salariés sont incités à relever les manquements aux règles de sécurité de leurs responsables, avec un cadeau à la clé. Une initiative qui encourage la "délation", ont dénoncé mardi les syndicats alors que l'entreprise y voit une manière de "sensibiliser les salariés à la sécurité".

"Cumulez les good points à chaque action non safety de la part du général manager, d'un senior ops, d'un lead ou d'un manager", à savoir les cadres et les agents de maîtrise, peut-on lire sur l'affiche annonçant les règles du "Safety fun game" qui a commencé le 17 novembre et doit durer jusqu'au 19 décembre dans cet entrepôt de plus de 1500 salariés situé près de Douai.

"Have fun !"

"À l'accueil se trouveront des bulletins 'Faux pas'. Remplissez-les pour obtenir votre good point auprès de la personne concernée. Un cadeau à gagner pour l'associate qui aura le plus de points. Have fun!", ajoute l'affiche.

La communication d'Amazon détaille les règles: quand un salarié remarque un "faux-pas sécurité", comme "ne pas respecter une posture recommandée pour déplacer un article" ou "ne pas respecter un passage piéton pour traverser une allée", le salarié "va voir le manager et parle du faux-pas avec lui". Et sur le bulletin "faux pas", "le salarié doit noter le nom du responsable et le manquement à la sécurité qu'il a pu voir", selon Patrick Blervaque, de la CFDT.

Enfin, "le manager remet" au salarié "un timbre avec des points proportionnels au faux-pas Safety" et "à la fin du jeu le salarié qui a le plus de points gagne un cadeau", affirme l'entreprise. Selon un communiqué de la CGT, le "premier prix" serait un drone. Par ailleurs, selon le syndicat, qui pointe des pratiques "méprisables" et "honteuses", "un barême" de points "est mis en place suivant le niveau hiérarchique de l'incriminé".

Comptabiliser les points pour gagner des cadeaux

L'entreprise l'assure: "Les bulletins remplis sont conservés jusqu'à la fin du jeu afin de comptabiliser les points et attribuer les cadeaux, et à l'issue du jeu ils seront détruits". Chez Amazon, "la sécurité et la santé de nos employés sont notre priorité numéro 1", cette initiative "ne peut en aucun cas être assimilée à un appel à la délation, pratique profondément contraire à nos valeurs", poursuit le service communication de l'entreprise.

Ce jeu est de "mauvais goût", c'est de la "délation", estime pourtant Patrick Blervaque. "Dénoncer les gens pour marquer des points et gagner un cadeau c'est particulier. Nous craignons des dérives, comme de fausses dénonciations pour avoir le cadeau", affirme de son côté Alain Jeault, délégué central à la CGT. Celui-ci craint aussi que l'entreprise se serve de ces bulletins "faux pas" pour "licencier" des salariés, "même si l'entreprise dit le contraire".

Patrick Blervaque dénonce aussi un "deux poids et deux mesures": "D'un côté des salariés reçoivent des avertissements pour des manquements aux règles de sécurité, et de l'autre, on a des agents de maîtrise ou des cadres qui, eux, font l'objet d'un jeu pour ces mêmes motifs". 

"Le fait de s'amuser au sujet de dénonciations est choquant. Je ne comprends pas le but de ce jeu, à part avoir des éléments contre les agents de maîtrise et les cadres. Il y a d'autres moyens d'offrir des cadeaux à des salariés que ce moyen-là", juge pour sa part Christophe Bocquet, de Force ouvrière.

P.S. avec AFP