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Pourquoi Sculpteo, pionnier français de l'impression 3D, est racheté par BASF

Avec ce rachat, dont le montant n'a pas été communiqué, la pépite française va pouvoir accéder aux matériaux et aux technologies du géant allemand et prendre une nouvelle dimension.

Dans le secteur de l'impression 3D, le français Sculpteo est un pionnier. Fondée en 2009, la start-up proposait initialement au grand public de créer et d'imprimer des coques personnalisées pour smartphones. Aujourd'hui, l'entreprise s'est résolument tournée vers les entreprises avec un service d'impression 3D à la demande de prototypes en petites séries ou de pièces spécifiques dans de nombreux secteurs comme l'électronique, le luxe, la médecine, l'immobilier, la bijouterie... En 2018, elle a livré plus de 30.000 clients.

Fondée notamment par Éric Carreel à qui on doit Withings, la start-up accélère aujourd'hui nettement en acceptant une offre de rachat de la part du géant BASF (pour un montant non communiqué).

Que vient faire ce spécialiste de la chimie dans l'impression 3D? BASF mise en fait depuis un certain temps sur cette filière via la fabrication de polymères, ce matériau indispensable à l'impression 3D. Et la matière est la clé de l'amélioration de l'impression 3D pour des produits toujours plus précis.

"Grâce à l’acquisition de Sculpteo, nous pouvons offrir aux clients et aux partenaires un accès encore plus rapide à nos solutions innovantes d’impression 3D. En outre, nos clients bénéficieront d’une gamme étendue de services", explique Dietmar Bender, directeur général de BASF 3D Printing Solutions. 

Pour Sculpteo, outre cet accès non exclusif aux technologies de BASF, cette acquisition est clairement un levier d'innovation rapide, de volumes (via de nouveaux marchés) et de croissance. La start-up se réjouit "de rejoindre un groupe industriel qui a une stratégie très claire dans l'impression 3D à travers des acquisitions dans les matières et les technologies", explique Clément Moreau, PDG de l'entreprise.

"BASF est un fabricant de matière, de matière technique, ce n'est pas les matières de tout le monde pour l'impression 3D, on parle des matières de demain, des matières qui peuvent aller dans l'automobile de manière plus performante. Et avec l'acquisition de Sculpteo, ils peuvent avoir un accès direct au client, un accès aussi à une plate-forme numérique pour vendre de la 3D en ligne et je crois que c'est cette complémentarité (usine/clients) qui a intéressé", indique-t-il sur BFM Business (voir ci-dessous son interview dans Tech&Co). 

Du prototypage à la production en série

Cette opération arrive en tout cas au bon moment. L’impression 3D est en effet en passe d'entrer dans l’ère de la fabrication industrielle. Les progrès de cette technologie sont en effet très rapides et dépassent désormais le champ de la R&D et du prototypage, domaines où elle est largement utilisée dans les industries.

Selon l’étude annuelle State of 3D Printing publiée en mai dernier par Sculpteo justement (menée en Europe, aux Etats-Unis et en Asie auprès de 1300 profesionnels appartenant à 8 secteurs, de l’industrie agro-alimentaire à l’aéronautique en passant par les technologies de pointe), 51% des répondants utilisent désormais l’impression 3D pour la production contre 17% en 2015.

"L'impression 3D est en train de devenir un standard de fabrication avec des utilisations de plus en plus différentes. Ainsi, les entreprises dépensent beaucoup plus en impression 3D, car la technologie leur permet de relever de nouveaux défis: de la recherche à la simulation, du prototypage à la production", expliquent les auteurs.

"Il semble que les industriels l'aient déjà noté : ces nouvelles technologies offrent un atout majeur pour améliorer l'ensemble de leur processus de production et renforcer leurs stratégies commerciale", ajoute Clément Moreau, PDG et cofondateur de Sculpteo.

On peut notamment citer le secteur automobile, à la pointe, qui exploite l’impression 3D pour la fabrication de pièces finies en métal et polymère sur des modèles de voitures très haut de gamme (comme chez Bugatti). Ou encore l’aéronautique. GE Aviation a ainsi annoncé avoir imprimé 30.000 de ses injecteurs de carburant grâce à cette technologie.

Un marché de 11 milliards de dollars cette année?

Pour autant, le prototypage rapide reste au cœur de l’appétence pour l’impression 3D (plus de 60% des répondants) car l’accélération du développement de produits (et donc leur mise sur le marché) est la priorité pour les entreprises. Ce bénéfice est le plus cité par les sondés, et ce depuis la première enquête de ce type en 2015. Vient ensuite l’offre de produits personnalisés et de séries limitées.

Conséquence logique, les entreprises consacrent un budget encore plus important à leurs activités de fabrication additive. Sur un an, les investissements ont doublé et 25,6% des entreprises interrogées ont dépensé plus de 100.000 dollars, contre un ratio de 12% de sociétés l'année précédente.

Mieux, 20% d’entre elles déclarent qu’elles augmenteront leur investissement de plus de 100% et 47% des plus importants utilisateurs de l’impression 3D augmenteront leur investissement d'au moins 50% au cours de l'année.

Au niveau mondial, selon une étude du cabinet américain SmarTech Publishing, le marché de l’impression 3D s’est hissé à 9,3 milliards de dollars en 2018 (+18% sur un an) contre 4,1 milliards en 2014. En 2019, le marché devrait atteindre les 11,2 milliards de dollars. Ce chiffre couvre le matériel, les logiciels, les matériaux et les services.

Olivier Chicheportiche