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Streaming: Salto, un complément à Netflix plutôt que son concurrent

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L'offensive commune de France Télévisions, M6 et TF1 dans le domaine de la vidéo à la demande (streaming) qui pourrait être lancée l'an prochain cristallise déjà beaucoup de critiques. Infondées ?

Les conditions sont désormais réunies pour que Salto prenne son envol. Salto, c'est l’offensive de la télévision française dans le streaming de vidéo à la demande (SVOD).

Pilotée par TF1, France TV et M6 à travers une nouvelle société commune détenue à parts égales, la plate-forme sera accessible depuis un ordinateur, un smartphone et sur certains téléviseurs. Tout comme ses concurrents, il sera proposé sur abonnement et "permettra de retrouver tous les meilleurs programmes de télévision (le direct et le rattrapage), mais aussi de découvrir des programmes inédits", indique le communiqué des trois entreprises.

Aujourd'hui, le service a une direction (Gilles Pélisson, PDG de TF1 présidera son conseil de surveillance, Thomas Folin a été nommé directeur général de la plateforme), des locaux, et a reçu en août dernier le feu vert de l'Autorité de la concurrence. Rien n'est officiel mais le lancement serait programmé pour la seconde moitié de 2020.

Pour autant, alors que son contenu et son modèle économique restent encore assez flous, Salto cristallise déjà beaucoup de critiques. Comment le petit poucet français pourrait-il faire face à l'ogre Netflix (pour ne citer que lui) et ses 8 milliards de dollars de budget de production de contenus ?

Selon les propos de Takis Candilis, le directeur général de France Télévisions, si Salto proposera bien du replay des chaînes partenaires, les programmes phares resteront réservés aux services de rattrapage des chaînes. Salto proposera donc un catalogue plus froid (émissions, films et série déjà dans les tiroirs) combiné à des contenus inédits. Mais avec quel budget ? On parle de 18 à 50 millions d'euros au global, ce qui ne fait pas lourd face aux investissements colossaux des groupes américains.

Ancrage local

Pour autant, certains experts estiment que la comparaison frontale des deux services n'est pas pertinente. "Moins qu’un concurrent direct de Netflix et des géants du divertissement, Salto doit être vue comme le projet d’alternative à la télévision linéaire pour répondre aux attentes et aux nouveaux usages des consommateurs", commente Renaud Kayanakis de SIA Partner.

Et de poursuivre: "Avec un positionnement national, et plus encore un ancrage local grâce aux contenus régionaux issus de la programmation de France 3, l’offre Salto se démarque de ses concurrents internationaux. Netflix en particulier n’a pas encore convaincu massivement le public français avec ses productions originales produites dans l’Hexagone". D'autant plus que les trois partenaires dépensent de plus en plus pour concevoir des formats, longs ou courts, qui connaissent un fort succès. Salto pourrait ainsi être le support de ces contenus exclusifs.

"L’alliance de ces trois acteurs majeurs du paysage audiovisuel français, issus du secteur public et du secteur privé, crée un nouveau segment inédit sur le marché de la SVOD en France", résume l'expert. 

Un constat partagé par Pascal Lechavallier, expert des questions de télévision sur l'antenne de BFM Business: "Salto a cinq ans de retard (...) mais après tout ce n'est pas le combat. Netflix, c'est Netflix, ils ont une vocation mondiale, là aujourd'hui on est en train d'essayer de structurer le marché français qui a pris beaucoup de retard et c'est là-dessus qu'il faut travailler". 

"La clef du succès se trouve peut-être dans l’intégration des pays européens à cette offre pour valoriser la création européenne, et peser plus encore face aux plateformes des géants du divertissement", ajoute Renaud Kayanakis.

Un des freins majeurs sera peut-être à trouver du côté de la gouvernance. Il faudra faire cohabiter des cultures d’entreprises bien différentes qui n’ont jamais réussi à s’entendre lors de précédents rapprochements ou projets (on se souviendra du bouquet satellite TPS).

"Les temps ont changé, les priorités ont changé, aujourd'hui les groupes audiovisuels français sont obligés de déployer des offres à la demande. Donc il y a vraiment une nécessite absolue d'être présent et ça va sans doute les pousser à peut-être mettre les attitudes qu'ils avaient par le passé au placard pour travailler de manière positive, concrète et dynamique", poursuit Pascal Lechavallier.

Olivier Chicheportiche